Les régimes pauvres en glucides efficaces contre les crises d’épilepsie

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 06/11/2014 Mis à jour le 24/08/2020
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Les régimes pauvres en glucides et riches en matières grasses, comme la diète cétogène ou le nouveau régime Atkins, réduisent la fréquence des crises chez les personnes souffrant d’une épilepsie réfractaire aux médicaments.

La diète cétogène est un régime thérapeutique utilisé depuis plusieurs décennies pour soigner l’épilepsie, notamment chez les enfants (avant qu’il n’existe des médicaments et puis pour ceux chez qui ils n’agissent pas). Il existe aussi désormais des preuves que ce régime fonctionne chez l’adulte, réfractaire aux antiépileptiques (35% des patients environ).

Lire, pour nos abonnés : la diète cétogène : un régime thérapeutique

Pourquoi suivre une diète cétogène ou low carb

Dans le régime cétogène, la faible quantité de glucides alimentaires conduit le foie à métaboliser les graisses sous la forme, entre autres, de corps cétoniques (bêta-hydroxybutyrate, acétoacétate, acétone) et donc à utiliser les graisses comme source d'énergie, plutôt que les glucides. Ce changement de carburant semble avoir des effets bénéfiques pour le cerveau. Sans qu’on connaisse vraiment les mécanismes par lesquels ils agissent, ces corps cétoniques soulagent les épileptiques, en diminuant les crises au moins de moitié. Ils moduleraient l’excitabilité cérébrale.
Le nouveau régime Atkins est une alimentation low carb moins restrictive que le régime cétogène (sauf dans sa phase d’attaque). Il semblerait qu’il a des effets similaires au régime cétogène chez les épileptiques, dans une version modifiée (1).

Les aliments permis dans ces deux modes alimentaires sont : toutes les graisses, viandes, volailles, poissons, œufs, fromages, crème, noix et graines, légumes verts à feuilles et la plupart des légumes sans amidon. Globalement, la diète cétogène correspond à un ratio 3 :1 ou 4 :1 entre les graisses et le couple protéines + glucides, c’est-à-dire que 87 à 90% des calories proviennent des matières grasses. Dans le régime Atkins modifié (pour les épileptiques), 50 à 65% des calories proviennent des matières grasses et le ratio entre les graisses et le duo protéines et glucides est proche de 1:1.

Ce que disent les études

Chez les enfants épileptiques qui ne répondent pas aux médicaments, le régime cétogène permet de diminuer les crises de plus de 50% pour environ 40% des enfants et de les supprimer à 90% ou complètement dans 7 à 15 % des cas (2). Des résultats similaires à ceux obtenus avec les médicaments. Chez l’enfant, globalement, la diète cétogène est reconnue comme très efficace en réduisant d’au moins 50% le nombre de crises chez 30 à 60% des patients. En dépit de ce succès chez les enfants, la diète cétogène a été relativement peu étudiée chez les adultes.

En 2014, des chercheurs de l’American Academy of Neurology ont fait une synthèse de 5 études portant sur la diète cétogène – concernant 47 personnes au total – et de 5 études sur le nouveau régime Atkins incluant 85 personnes au total (3). Les résultats montrent que 32% des personnes ayant suivi le régime cétogène et 29% de ceux qui ont suivi le régime Atkins ont constaté au moins 50% de diminution de leurs crises épileptiques. 9% de ceux qui ont suivi le régime cétogène et 5% de ceux qui ont suivi le régime Atkins ont même obtenu une diminution de plus de 90% de la fréquence des crises épileptiques. En 2015, des scientifiques chinois ont réalisé une méta-analyse portant sur 12 études et 270 patients réfractaires aux médicaments (4). Ils ont abouti à des conclusions similaires : une efficacité de la diète cétogène (tous types de régime confondus) pour réduire les crises de 42% en moyenne (13 à 70% selon les études), une efficacité de 52% pour la diète cétogène stricte et de 34% pour le régime Atkins modifié. Si la réussite de ce dernier était moindre, les personnes avaient moins de mal à le suivre que le régime cétogène.

En 2019, une étude américaine s'est intéressée aux effets d'une diète cétogène modifiée (avec des apports en glucides, lipides et protéines personnalisés) sur divers profils d'épileptiques réfractaires aux médicaments : ceux qui avaient subi une chirurgie avant d'adopter ce régime, ceux qui présentaient une épilepsie dite focale, ceux avec une imagerie médicale anormale, ceux ayant bénéficié d'une stimulation du nerf vagal, et enfin ceux ayant une épilepsie dite généralisée (6). Résultats : le régime cétogène modifié a permis d'améliorer très significativement la fréquence et la sévérité des crises d'épilepsie dans tous les groupes de malades, ainsi que leur qualité de vie. Des améliorations supérieures à celles que l'on pouvait attendre des médicaments classiques. C'est pour les personnes ayant eu une stimulation du nerf vague que les améliorations étaient les moindres et pour celles à l'épilepsie généralisées qu'elles étaient les plus importantes.

Pour les auteurs, le régime cétogène pourrait représenter "la meilleure chance d'amélioration pour les patients dont les crises ont persisté après une chirurgie ou une stimulation du nerf  vague". Il est aussi possible, selon eux, que ce soit les personnes à l'épilepsie généralisée qui répondent le mieux à cette thérapie nutrionnelle.

Dans une nouvelle étude parue dans la revue JAMA Pediatrics en 2020, des chercheurs ont regardé si le régime Atkins modifié et le régime à index glycémique (IG) bas pouvaient être aussi efficaces que le régime cétogène pour réduire la fréquence des crises des enfants épileptiques qui ne répondent pas aux médicaments. En effet, l’efficacité du régime cétogène pour soulager l’épilepsie a été montrée mais celui-ci peut être difficile à suivre et présente des effets indésirables. Des études antérieures ont déjà suggéré que le régime Atkins modifié pouvait être aussi efficace que le régime cétogène.

Dans cet essai contrôlé randomisé, 170 enfants âgés de 1 à 15 ans et ayant au moins 4 crises d’épilepsie par mois ont suivi soit le régime cétogène, soit le régime Atkins modifié soit un régime à index glycémique bas (pas d’aliment à IG supérieur à 55, part de glucides : 10% des calories quotidiennes) en plus du traitement médicamenteux. Les chercheurs ont défini des critères de non-infériorité pour comparer les régimes Atkins et à IG faible par rapport au régime cétogène.

Les résultats montrent qu’après 24 semaines d’intervention, la fréquence des crises a diminué dans les trois groupes et la réduction médiane des crises est semblable pour les trois régimes (-66% avec le régime cétogène, -45% avec le régime Atkins modifié et – 54% avec le régime à IG faible). La proportion de patients avec une diminution de crises d’épilepsie d’au-moins 50% après 24 semaines d’intervention est similaire dans les trois groupes : 67,3% dans le groupe cétogène, 51,9% dans le groupe Atkins, et 59,3% dans le groupe IG faible. Cependant, la non-infériorité du régime Atkins modifié et du régime à IG faible par rapport au régime cétogène n’a pas été prouvé dans cet essai. En revanche, les chercheurs ont remarqué que les effets indésirables étaient similaires pour le régime cétogène et le régime Atkins modifié mais qu’ils étaient moins nombreux avec le régime à IG bas. Enfin, le régime cétogène et le régime Atkins modifié ont permis d’obtenir une amélioration des symptômes plus rapidement que le régime IG.

Les thérapies nutritionnelles se révèlent donc efficaces, sûres et peuvent être suivies en même temps que d’autres traitements. Chacun des régimes (cétogène, Atkins modifié, IG bas) pourrait être proposé aux patients en tenant compte du bénéfice sur la fréquence des crises et des effets indésirables possibles.

Les limites et les perspectives futures

  • Diète cétogène ou régime Atkins modifié semblent moins efficaces chez l'adulte que chez l'enfant, d'après les connaissances actuelles, même si leurs effets peuvent être remarquables chez certaines personnes.
  • Le bénéfice des changements alimentaires intervient rapidement – quelques jours voire quelques semaines après le début du régime. Mais contrairement aux enfants, les effets de ces deux régimes sur les crises épileptiques ne continuent pas lorsque les malades arrêtent le régime. 
  • Parmi les effets secondaires, le plus sérieux est l’hyperlipidémie (qui s’inverse à l’arrêt du régime) et le plus fréquent est la perte de poids qui peut être bénéfique à certains patients.
  • Beaucoup de personnes ont abandonné le régime alimentaire avant la fin des études, en raison des restrictions parfois difficiles à suivre.
  • Les scientifiques ont également un autre sujet de préoccupation : la diète cétogène stricte peut, dans certains cas (rares), avoir pour conséquence une acidose métabolique. Or l'acidose chronique pourrait augmenter le risque de crises épileptiques. Des chercheurs anglais proposent donc de modifier légèrement la diète cétogène pour limiter le risque d'acidose (5). Leurs préconisations (à confirmer par des études) : éviter la restriction calorique (pour limiter le taux de corps cétoniques circulants et ainsi l'acidose), mieux contrôler l'apport protéique (en rester aux recommandations 0,8 g/kg/jour), augmenter la part de végétaux verts à feuilles (salade, blettes, épinards...) pour leur effet alcalinisant, inclure un citron par jour dans l'alimentation pour son citrate, prendre un complément de citrate de magnésium (citrate pour tamponner l'acidité et magnésium car il a des effets anti-épileptiques).

Le régime cétogène est aussi utilisé contre Alzheimer et chez les patients traités pour un cancer.

Lire : Le régime cétogène pour votre cerveau

Références
  1.  Ghazavi A, Tonekaboni SH, Karimzadeh P, Nikibakhsh AA, Khajeh A, Fayyazi A. The ketogenic and atkins diets effect on intractable epilepsy: a comparison. Iran J Child Neurol. 2014 Summer;8(3):12-7.
     
  2. Neal, E.G., Chaffe, H.M., Edwards, N., Lawson, M., Schwartz, R., Fitzsimmons, G., Whitney, A., Cross, J.H., 2008. The ketogenic diet for the treatment of childhood epilepsy: a randomised controlled trial. Lancet Neurol. 7, 500–506
     
  3.  Klein P, Tyrlikova I, Mathews GC. Dietary treatment in adults with refractory epilepsy: A review. Neurology. 2014 Oct 29. pii: 10.1212/WNL.0000000000001004. 
     
  4. Fang Ye, Xiao-Jia Li, Wan-Lin Jiang, Hong-Bin Sun, and Jie Liu : Efficacy of and Patient Compliance with a Ketogenic Diet in Adults with Intractable Epilepsy: A Meta-Analysis. J Clin Neurol. 2015 Jan;11(1):26-31. 
     
  5. Alan W.C. Yuen, Isabel A. Walcutt, Josemir W. Sander : An acidosis-sparing ketogenic (ASK) diet to improve efficacy and reduce adverse effects in the treatment of refractory epilepsy. Epilepsy & Behavior 74 (2017) 15–21.

  6. Falco-Walter, J. J., Roehl, K., Ouyang, B., & Balabanov, A. (2019). Do certain subpopulations of adults with drug-resistant epilepsy respond better to modified ketogenic diet treatments? Evaluation based on prior resective surgery, type of epilepsy, imaging abnormalities, and vagal nerve stimulation. Epilepsy & Behavior. doi:10.1016/j.yebeh.2019.01.01

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