Dr Jean-Louis Bocquentin : comment affaiblir les cellules cancéreuses pour améliorer les traitements

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 22/11/2023 Mis à jour le 22/11/2023
Point de vue

Médecin anesthésiste hospitalier, le Dr Jean-Louis Bocquentin a utilisé le protocole de Jane McLelland en complément du traitement classique de son cancer. Dans cet entretien, il explique les principes fondamentaux de cette démarche et pourquoi elle lui semble pertinente.

LaNutrition : Comment vous êtes-vous intéressé au traitement métabolique du cancer ?

Je suis tombé dans la médecine intégrative à cause de mon cas personnel. Il y a trois ans, j’ai eu un cancer qui a été traité de façon traditionnelle par la chirurgie. J’ai cherché à compléter le traitement et j’ai commencé des recherches personnelles qui m’ont mené vers des groupes anglo-saxons. J’ai la chance de parler anglais et j’ai découvert le travail de Jane McLelland que j’ai trouvé extrêmement pertinent et bien sourcé. En tant que médecin, j’ai pu assez facilement associer le traitement par des médicaments repositionnés et de la phytothérapie, avec d’excellents résultats pour moi. Progressivement, dans mon cercle familial et amical, j’ai aidé une petite centaine de personnes, avec un résultat que je trouve intéressant.

Quel est le principe de la méthode développée par Jane McLelland ?

Le travail de Jane McLelland repose sur la théorie métabolique du cancer qui explique que la cellule cancéreuse connaît une dérégulation métabolique. Pour simplifier, la cellule cancéreuse se nourrit principalement de sucre, mais aussi d’acides gras et d’acides aminés. Jane McLelland part du principe qu’il faut bloquer ce métabolisme, ce qui est en concordance avec les traitements les plus modernes du cancer, les traitements ciblés, les immunothérapies : ce sont des traitements métaboliques qui bloquent des récepteurs et empêchent la cellule cancéreuse d’avoir un métabolisme normal. Le but est d’affaiblir la cellule cancéreuse, pour augmenter l’efficacité du traitement traditionnel, voire pour détruire les cellules souches qui souvent résistent un peu aux chimiothérapies.

Jane McLelland explique qu’elle a ainsi pu se guérir de plusieurs atteintes cancéreuses sévères. Pour ce faire, on utilise des médicaments repositionnés, c’est-à-dire des molécules déjà connues, peu chères et sûres, avec de la phytothérapie traditionnelle, avec parmi les molécules les plus utilisées :

  • pour les médicaments repositionnés : metformine, statines, certains antiparasitaires, des bêta-bloquants (propanolol), des anti-inflammatoires non-stéroïdiens (aspirine…)…
  • pour les molécules de phytothérapie : curcumine, berbérine…

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Dans son livre Affamer le cancer, Jane McLelland cite de nombreuses molécules potentiellement intéressantes pour bloquer les voies métaboliques du cancer. Mais comment définir quel « cocktail » de molécules utiliser ?

Aujourd’hui la médecine est de plus en plus personnalisée. L’analyse précise du génome à partir des biopsies et des pièces opératoires permet de décrypter très précisément les voies métaboliques utilisées par le cancer. Mais les cancers mutent très souvent et en France l’analyse génétique reste balbutiante. Quand on ne sait pas trop quel est son type de cancer, qu’on ne connaît pas le génome de son cancer, je recommande de regarder les schémas donnés dans le livre, que Jane McLelland surnomme les « metro maps » (« plans de métro ») : elle y décrit les voies métaboliques, celles du glucose, des acides aminés et des acides gras, et donne les différents effecteurs dans chacune de ces voies et les molécules qui les bloquent. Certaines molécules ne bloquent qu’une voie, alors que d’autres molécules en bloquent trois ou quatre, voire bloquent les sucres, les acides gras et les acides aminés : ce sont ces molécules qu’il faut privilégier. Il faut aussi faire des rotations de protocole : par exemple, tous les trois mois changer pour un autre « package » de molécules. C’est la technique que j’ai découverte avec Jane McLelland et que j’utilise avec un certain succès. Je précise bien qu’il n’est pas du tout question de remplacer les traitements officiels par ces traitements-là. Malheureusement il y a encore beaucoup d’échecs en oncologie, il faut se battre avec toutes les armes possibles et le travail de Jane McLelland en fait partie.

Que dire du rôle de l’alimentation dans le cancer ?

Il existe une vieille maxime de plusieurs milliers d’années qui dit que « Nous sommes ce que nous mangeons ». La diététique est capitale. Il faut une alimentation saine, avec si possible des produits sans pesticides. Le marqueur central du cancer est l’inflammation. Il faut donc éviter la nourriture inflammatoire, c’est-à-dire la « junk food », les aliments industriels ultra-transformés, les graisses brûlées, etc, et revenir à une nourriture plus simple et non-transformée. Aujourd’hui il y a un consensus pour le régime asio-méditerranéen, qui associe le régime méditerranéen avec l’huile d’olive, les petits poissons gras, les légumes, pas trop de viandes, pas trop de fromages, et le régime asiatique, avec des épices traditionnelles. La diététique est très importante mais l’hygiène de vie dans sa globalité aussi, avec notamment la gestion du stress et du mental.

Comment gérer son stress ?

L’annonce d’un cancer est un énorme traumatisme, qui renvoie aux questions fondamentales de la vie et de la mort. Tout le long du parcours de la maladie, tout le long de la vie, il faut être le mieux possible dans ses baskets. Chaque chemin de vie est différent, il faut trouver le sien. La méditation peut en être un. La marche à pied un autre, le sport… Je n’ai pas de recette unique à donner. Mais chacun doit faire ce travail et ne pas rester dans le déni.

Dans son livre, Jane McLelland évoque le thème de la relation entre le patient et son médecin. Est-ce qu’un médecin doit tout dire à son patient ?

En tant que médecin réanimateur, j’ai souvent été confronté à des pronostics et des maladies très graves. Ma politique est qu’il est absolument hors de question de mentir à un patient. Vous devez dire la vérité au patient s’il la demande et si vous sentez qu’il est prêt à l’accueillir. Mais il n’est pas question d’asséner tout à tout le monde. Il faut aussi être précautionneux et respecter le fait que les gens ne sont pas tous prêts à tout recevoir.

Inversement le patient doit-il informer son médecin de tout ce qu’il fait en parallèle des traitements ?

Idéalement oui ! En oncologie, il existe un problème d’interférences médicamenteuses. Il ne faut pas faire n’importe quoi, n’importe comment, en particulier quand on prend des traitements ciblés tous les jours. C’est pour cela que je pense qu’il est important que le patient ait un conseiller médical. Les produits de la phytothérapie ont une influence sur le métabolisme hépatique et peuvent avoir une influence sur le métabolisme des drogues, des traitements ciblés des immunothérapies. Donc il faut faire très attention. Avec les chimiothérapies, c’est un peu plus simple car ce sont souvent des cycles de trois semaines, donc il y a une quinzaine de jours où l’on peut faire un peu ce qu’on veut, sans risquer d’interférences. Si on peut arriver à parler avec son oncologue, c’est bien ! Chacun doit trouver le médecin qui lui correspond et avec lequel il pourra dialoguer, mais aussi accepter que le médecin est un homme comme un autre, ce n’est pas un Dieu !

Pour aller plus loin : Affamer le cancer

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