Dr Laurent Schwartz : "Il faut traiter le cancer comme une maladie métabolique"

Par Priscille Tremblais - Journaliste scientifique Publié le 25/02/2016 Mis à jour le 27/07/2022
Point de vue

Pour le Dr Laurent Schwartz, auteur de Les clés du cancer, le cancer est probablement une maladie du métabolisme cellulaire. En corrigeant ces anomalies, de pair avec les traitements actuels, il espère ralentir la maladie, voire améliorer les malades.

Avant d’être perçue comme une maladie du génome, le cancer était considéré comme une maladie du métabolisme : depuis 1924, nous savons que les cellules cancéreuses tirent leur énergie de la fermentation du sucre. Cette piste a été oubliée. Le Dr Schwartz et l’équipe scientifique pluridisciplinaire qu’il a constituée, l’ont rouverte et explorée. Dans le livre Les clés du cancer (août 2022), ils proposent une nouvelle lecture du cancer, qui ouvre la voie à de nouveaux traitements : le métabolisme des cellules cancéreuses est perturbé, il faut donc le normaliser et plusieurs substances ont la capacité de le faire en complément des traitements classiques, sans effet secondaire majeur. 

LaNutrition.fr : La survie en cas de cancer s'est améliorée. C'est une bonne nouvelle, que vous tempérez cependant. 

Dr Laurent Schwartz : Les batailles de chiffres sont constantes en économie et en politique mais aussi en cancérologie. Avec mon équipe, nous n’avons pas étudié le taux de survie qui, effectivement a été amélioré mais le taux de mortalité. Et ce qui est clair jusqu’à présent c’est que le taux de mortalité par cancer n’a pas beaucoup changé depuis 40 ans. Il a même augmenté jusqu’aux années 1990 puis a baissé faiblement après. Un médicament, l'imatinib (Glivec), a permis de faire chuter de manière indiscutable la mortalité d’une certaine forme de leucémie mais les autres cancers n’ont pas connu ce type de succès thérapeutique. Comme on détecte (indûment) beaucoup de cancers qui n’auraient jamais tué, le taux de survie a augmenté.

Quel a été l'impact des campagnes de dépistage ?

L’absence de progrès majeurs sur la mortalité montre que le dépistage ne fonctionne pas ou pas bien. Tous les pays n’instaurent pas les campagnes de dépistage au même moment et l’analyse de la mortalité ne montre pas de différence probante. Ceci, en tenant compte de l’accroissement et du vieillissement de la population. En clair l’impact du dépistage n’est pas majeur, à l’exception du cancer du col de l’utérus (dépisté par frottis), il n’a pas permis de réduire le nombre de décès.

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Vous avez passé votre vie professionnelle à chercher de nouveaux traitements. Pourquoi ?

Force est de constater que l’on meurt presque autant du cancer aujourd’hui qu’il y a 50 ans ! Si l’on tient compte de l’augmentation de l’espérance de vie, la mortalité par cancer reste très élevée (150 000 morts par an en France). L’espérance de vie des personnes atteintes de cancers difficilement curables (pancréas, cerveau, poumon…) ne s’est pas améliorée par ailleurs. Il faut se résoudre à l’évidence : les avancées thérapeutiques ne sont pas à la hauteur. Pourtant, ce n’est pas faute de consacrer des budgets énormes à cette « cause ». Une cause qui pourrait sembler perdue au regard de ce bilan bien décevant autant qu’inacceptable, car des voies de solutions existent.

Lire aussi : Si le cancer est une maladie métabolique, comment le traiter ?

Qu'est-ce qui vous fait penser qu'il faut porter un nouveau regard sur le cancer ?

L’histoire du cancer est aussi celle d’une cécité générale, un de ces errements collectifs qui jalonnent l’Histoire. Il y a près d’un siècle, les scientifiques de l’époque avaient déjà compris l’essentiel. Nous n’avons fait qu’approfondir leurs recherches et poursuivre leurs travaux. Pour ma part, je n’ai jamais cru à la théorie du complot. En revanche, je crois au conformisme, au conservatisme et, plus encore, à la bêtise paralysante de l’individu, à l’entêtement et à l’absence de remise en question d’un dogme que tous savaient faux. Comment a-t-on pu avoir l’indécence d’annoncer le succès alors que la mort règne ? Où sont les progrès quand tous savent l’échec ? Le trop-plein d’argent et le politiquement correct ont fait le reste : ils ont tué la vraie recherche. Chercher, c’est accepter l’erreur et faire le pari qu’on peut réussir. Chercher, c’est remettre en cause ses certitudes, ses croyances parfois, avec l’espoir de faire progresser la science.

Vous affirmez que le cancer est une maladie métabolique. Qu'entendez-vous par là ?

Une cellule qui brûle des nutriments, grâce à sa centrale énergétique (la mitochondrie), ne grossit pas. Quand sa mitochondrie est lésée, qu’elle ne peut pas tout brûler, la cellule se met à fermenter, donc à grossir et à proliférer. C’est l’explication de base du cancer. Traiter un cancer revient à limiter la fermentation cancéreuse en limitant l’apport de nutriments à la cellule et les faisant brûler dans la mitochondrie.

Comment êtes-vous arrivé à penser que la mitochondrie était le siège du mécanisme du cancer ?

Warburg, prix Nobel de médecine en 1931, avait déjà pensé à cette hypothèse il y a près de 85 ans... D’autres chercheurs ont voulu la tester : ils ont injecté à des cellules cancéreuses des mitochondries de cellules normales. Le caractère cancéreux a disparu ! La cellule s’est mise à respirer à nouveau et a cessé de se multiplier. On nous rabâche pourtant toujours que le cancer est une maladie du génome mais quand on injecte le noyau d’une cellule cancéreuse dans une cellule saine, elle reste saine, et lorsqu’on remplace le noyau d’une cellule cancéreuse par un noyau d’une cellule saine, la cellule reste cancéreuse ! Un siècle après les travaux menés par Warburg et ses équipes, démonstration est à nouveau apportée que le cancer est une maladie de la mitochondrie et non du génome. Le cancer est juste une maladie. Une sale maladie, mais une maladie simple. Une maladie de la digestion cellulaire, et il faut donc tout tenter pour corriger cette anomalie.

Existe-t-il déjà des traitements visant à affamer la cellule cancéreuse et à l’obliger à brûler ?

Cela peut paraître surprenant au vu des données de mortalité mais la compréhension de la maladie a, elle, beaucoup progressé. Les traitements d’aujourd’hui sont donc mieux tolérés, moins agressifs. Certains sont même très ciblés. Mais il manque encore l’étincelle qui permettra la victoire. Cette étincelle pourrait être de combiner différentes approches : d'abord, réduire l’apport en nourriture du cancer. Ceci se fait déjà par les thérapies ciblées qui diminuent l’arrivée de polypeptides riches en énergie ou des hormones toutes aussi riches en énergie. D’autres thérapies ciblées ralentissent la machinerie cellulaire (anti-kinase) ; ensuite, améliorer le rendement énergétique pour que la cellule brûle au lieu de grossir.
Associés aux traitements actuels, les traitements complémentaires que nous proposons permettent de changer le métabolisme interne, de l’améliorer et ainsi de renforcer considérablement l’efficacité de la thérapie ciblée.

Lire aussi : Cancer : un espoir avec le régime cétogène et la restriction calorique

Avez-vous expérimenté ces traitements chez l’animal ?

Je suis un scientifique. Avec mon équipe, nous avons tout d'abord longuement réfléchi et relu les anciens qui eux aussi avaient pensé le cancer. Pour prouver l'intuition, il faut expérimenter. Je ne crois pas aux cellules isolées et bien nourries en boîte de Pétri. Donc nous avons eu recours aux souris auxquelles des tumeurs ont été injectées. Ces cancers croissent et peuvent être mesurés. Près de 5 ans et 15 000 souris plus tard, nous avions un traitement qui ralentissait la croissance des cancers chez l'animal. La combinaison des deux produits s’est révélée extrêmement efficace pour ralentir la croissance des cancers de tous types (vessie, côlon, poumon, mélanome cutané…).

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Des patients utilisent-ils vos traitements ? Avec quels résultats ?

À titre compassionnel, j'ai traité des cancers avancés et incurables. Ces patients avaient été renvoyés chez eux pour une fin de vie. Plusieurs patients avaient reçu le sacrement des malades. Notre livre présente les cas de certains de ces patients ayant suivi le traitement métabolique avec des résultats encourageants en termes de survie. On peut toujours nous reprocher un manque de rigueur, l’absence de dosages sanguins et porter toutes sortes d’accusations, mais un fait est incontestable : les malades existent et ils peuvent témoigner.

Le traitement métabolique est-il intéressant pour tous les types de cancer ?

Il me semble que la première vraie révolution du traitement métabolique concerne les tumeurs cérébrales, et en particulier la plus violente : le glioblastome. L’espérance de vie est de quelques mois. Beaucoup des patients qui ont suivi le traitement métabolique, en conjonction avec le traitement classique – pour peu qu’ils étaient en bon état général, c’est-à-dire capables de prendre le traitement métabolique – ont connu une amélioration de la survie.
La piste du métabolisme est une voie prometteuse non seulement dans le cancer, mais aussi pour guérir ou améliorer les malades atteints de maladie d’Alzheimer et de Parkinson.

Que penser du régime cétogène ?

Le régime cétogène représente une part fondamentale du traitement du cancer. Le cancer est une maladie de la fermentation du sucre. Baisser l'apport en sucre et le compenser en protéines et en graisse peut être important dans certains cancers.

Pour en savoir plus sur ce traitement, lire : Les clés du cancer

Lire aussi : "Le régime cétogène est encore trop peu connu des malades du cancer"

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