Infections nosocomiales : comment faire face à la résistance des bactéries aux désinfectants

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 02/08/2018 Mis à jour le 06/08/2018
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Des chercheurs australiens montrent que des bactéries responsables de maladies nosocomiales résistent à des désinfectants utilisés à l'hôpital.

Les infections nosocomiales, contractées en milieu hospitalier, causent des milliers de décès par an. En France, d’après l’Inserm, un patient sur 20 qui fait un séjour à l’hôpital est concerné. Une étude de 2012 avait montré il y avait environ 750 000 infections nosocomiales par an en France, causant 4000 décès.

Les bactéries responsables de ces infections sont souvent résistantes aux antibiotiques, d’où la difficulté de les traiter. Il s’agit par exemple du staphylocoque doré résistant à la méticilline (SARM), d’Escherichia coli résistant aux céphalosporines de troisième génération (C3G) ou de Pseudomonas aeruguniosa résistant aux carbapanèmes. Une autre bactérie suscite beaucoup d’inquiétude : Enterococcus faecium. Ces bactéries sont des hôtes habituels de la flore intestinale humaine et ne causent généralement pas de problèmes de santé. Mais certaines souches deviennent de plus en plus fréquentes dans les hôpitaux et peuvent causer des infections nosocomiales résistantes aux antibiotiques.

Pendant des décennies, partout dans le monde, les personnels hospitaliers ont utilisé des solutions désinfectantes à base d’alcool pour se laver les mains et éviter de transmettre ces infections. Ces solutions et gels hydro-alcooliques servent à tuer des bactéries, notamment celles qui sont résistantes aux antibiotiques, et qui risqueraient d’infecter des patients déjà affaiblis à l’hôpital.

Mais les bactéries font de la résistance… Des souches deviennent tolérantes aux alcools présents dans ces désinfectants.

Ce que montre l’étude

Pour cette étude parue dans Science Translational Medicine, l’équipe a étudié 139 souches d’E. faecium récupérées dans des hôpitaux de Melbourne entre 1997 et 2015. Les chercheurs se sont intéressés à ces bactéries car certaines développent une résistance à un antibiotique, la vancomycine. Elles sont appelées VRE, pour vancomycin resistant enterococci. Comme l'explique dans The Guardian, le professeur Tim Stinear, un des auteurs de cette recherche, le problème avec cette bactérie VRE « est qu’elle peut coloniser l'intestin et ensuite aller dans la circulation sanguine des patients et provoquer une septicémie, une infection du sang, et il est très difficile de s’en débarrasser car elle est résistante à presque tous les antibiotiques. »

Les chercheurs ont traité les souches d'E. faecium isolées avec une solution d’isopropanol, un alcool courant dans les solutions désinfectantes. Le lavage des mains avec ces solutions hydro-alcooliques a semblé efficace pour réduire  les infections par le SARM. Mais tandis que les infections par le SARM ont diminué, il y a eu une hausse des infections par la bactérie Enterococcus faecium.

Les résultats ont révélé que les bactéries Enterococcus faecium étaient devenues plus tolérantes à l’alcool au fil des années. C’est malheureusement une conséquence des programmes de désinfections avec ces solutions hydro-alcooliques : « Partout on répète la procédure maintes et maintes et maintes fois, que ce soit dans un hôpital ou à la maison ou ailleurs, vous donnez aux bactéries l'occasion de s'adapter, parce que c’est ce qu’elles font, elles mutent. » Et celles qui survivent mieux que les autres dans cet environnement prospèrent.

Les chercheurs ont aussi utilisé des souches de bactéries, dont certaines tolérantes à l’alcool, et les ont étalées à la surface de cages. Puis ils ont essuyé les cages avec des lingettes d’isopropanol et ont placé des souris dans les cages pendant une heure. Une semaine plus tard, les chercheurs ont étudié les bactéries intestinales des souris. Il est apparu que les bactéries tolérantes à l’alcool avaient mieux résisté au nettoyage et que les souris exposées à ces bactéries en avaient plus souvent dans leur intestin.

Les chercheurs ont aussi regardé dans le génome des bactéries s’il y avait des signes de résistance à l’alcool et en ont trouvé : les bactéries tolérantes à l’alcool avaient des mutations dans des gènes impliqués dans le métabolisme des glucides.

En pratique

Cette étude suggère que les solutions désinfectantes à base d’alcool ne peuvent pas constituer le seul moyen de lutte contre des bactéries Enteroccus faecium résistantes. Les hôpitaux devront donc probablement multiplier les stratégies pour lutter contre les bactéries et éviter le développement des résistances, aux antibiotiques comme aux autres agents antimicrobiens.

La phagothérapie, qui consiste à utiliser des prédateurs naturels des bactéries – les phages - pourrait être une piste intéressante pour mettre au point de nouveaux moyens de lutte contre ces infections nosocomiales. Les phages, ou bactériophages, sont des virus découverts il y a 100 ans par Frederick Twort et Félix d’Hérelle. Dans certains pays, en particulier en Géorgie, ils sont toujours utilisés pour traiter des infections bactériennes et notamment des souches résistantes aux antibiotiques.

Pour aller plus loin sur les infections : Infections, le traitement de la dernière chance

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