L'analyse du microbiote, futur outil de diagnostic de la dépression ?

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 07/12/2020 Mis à jour le 07/12/2020
Actualité

Des chercheurs ont mis en évidence de nombreuses différences dans la composition du microbiote intestinal entre des personnes souffrant d’un trouble dépressif majeur et des personnes en bonne santé mentale. Ils proposent d’utiliser cet outil comme aide au diagnostic de la dépression.

Pourquoi c’est important

L'intestin est colonisé par 400 espèces de bactéries différentes qui constituent le microbiote intestinal. Celui-ci joue un rôle important dans la digestion, l’immunité et aurait également un impact sur les fonctions cérébrales et le comportement, via ce que ce que l'on appelle l'axe intestin-cerveau. Les bactéries bénéfiques pourraient notamment influencer les symptômes dépressifs en impactant indirectement la disponibilité du tryptophane et la synthèse de la sérotonine (le messager chimique de la bonne humeur). Un déséquilibre du microbiote, appelé aussi dysbiose, a été observé chez des personnes atteintes de dépression. En modifiant le microbiote intestinal, certains probiotiques appelés psychobiotiques pourraient d’ailleurs combattre les symptômes dépressifs.

Généralement, les psychologues, médecins ou encore psychiatres s’appuient sur des entretiens et des échanges pour diagnostiquer un trouble dépressif majeur. Ils posent des questions sur les symptômes de santé mentale tels que les sentiments de désespoir, le manque de motivation, les accès de colère ou les troubles du sommeil. Cette façon de détecter la dépression peut aboutir à des erreurs de diagnostic. L’identification de biomarqueurs de la dépression donnerait des moyens supplémentaires de poser un diagnostic précis. C’est pourquoi dans une nouvelle étude parue dans la revue Science Advances, des chercheurs se sont intéressés aux caractéristiques du microbiote de personnes souffrant de dépression, dans le but de proposer un outil d'aide au diagnostic fiable.

L’étude

Les chercheurs ont collecté les échantillons fécaux de 311 participants, 156 atteints de trouble dépressif majeur et 155 en bonne santé. Les chercheurs ont réalisé une analyse métagénomique afin de déterminer l’ensemble des espèces intestinales (bactéries et bactériophages - virus qui n’infectent que les bactéries - qui cohabitent dans l’intestin). Les métabolites fécaux ont également été déterminés en parallèle.

Les analyses mettent en avant des compositions bactériennes différentes dans les échantillons fécaux des personnes souffrant de dépression et ceux des personnes en bonne santé. Les scientifiques ont en effet identifié trois bactériophages, 47 espèces bactériennes et 50 métabolites fécaux qui étaient significativement différents chez les personnes atteintes de trouble dépressif majeur par rapport aux personnes en bonne santé. La perturbation du métabolisme des acides aminés était une caractéristique du microbiote intestinal des personnes atteintes du trouble dépressif majeur.

Par rapport aux personnes en bonne santé, les participants souffrant de dépression avaient des niveaux plus élevés de Bacteroides, des bactéries qui sont associées à des niveaux plus élevés de cytokines et d’inflammation. Ils présentaient également des niveaux inférieurs de bactéries Blautia et Eubacterium, ce qui pourrait entraîner une perte des bénéfices anti-inflammatoires normalement apportés par ces bactéries. Certains symptômes gastro-intestinaux (diarrhée, constipation…) peuvent refléter le déséquilibre de microbiote intestinal chez les personnes souffrant de troubles mentaux.

En utilisant ces différences de microbiote intestinal, les chercheurs ont identifié et validé un ensemble de biomarqueurs capable de distinguer les patients souffrant de dépression et ceux en bonne santé mentale. Cela pourrait, selon eux, constituer un outil d’aide au diagnostic de la dépression, en complément des entretiens cliniques.

Il faut toutefois nuancer ces résultats : la relation entre santé intestinale et santé mentale est vraisemblablement bidirectionnelle. Il est fort probable qu’un déséquilibre du microbiote intestinal influence la santé mentale mais les changements de régime alimentaire et d’activité physique associés aux troubles mentaux modifient également le microbiote. 

En pratique

Une fois de plus l’existence de l’axe intestin-cerveau est mise en évidence : le lien entre santé intestinale et santé mentale se précise et ouvre la voie d’une part à un potentiel outil de diagnostic et d’autre part à une stratégie de traitement. Pour soulager les symptômes dépressifs, il peut être utile de rétablir l’équilibre du microbiote intestinal notamment par l’alimentation en mettant l’accent sur les légumes, légumineuses, aliments fermentés, céréales complètes et en évitant les aliments sucrés et ultra-transformés.

Une supplémentation en probiotiques peut également aider à soulager les symptômes dépressifs : Lactobacillus helveticus et de Bifidobacterium Longum pris en combinaison permettrait d'améliorer certains paramètres psychologiques.

La pratique d'une activité physique est également bénéfique pour le microbiote intestinal et l'humeur. 

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