Quel sport contre la maladie d'Alzheimer ?

Par Priscille Tremblais - Journaliste scientifique Publié le 20/09/2018 Mis à jour le 20/09/2021
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Pourquoi l'exercice physique est bénéfique dans la maladie d'Alzheimer ? Voici ce que disent les études et quelles activités privilégier. 

Le nombre de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer est en constante augmentation et les traitements médicamenteux ne sont pas efficaces contre cette maladie dégénérative qui a un impact fort sur la qualité de vie des malades et de leurs proches. Le mieux reste donc de la prévenir, dans la mesure du possible. Cela passe par un ensemble de mesures liées au mode de vie dont l'alimentation, un bon sommeil et un niveau d'activité physique suffisant.

Lire : Maladie d'Alzheimer : êtes-vous à risque ?

Dans La fin d'Alzheimer et La fin d'Alzheimer - le programme, le Dr Dale Bredesen propose précisément des mesures concrètes de ce type contre Alzheimer, en prévention comme en traitement. Avec un succès attesté par des études scientifiques de plus en plus nombreuses. Pour ce spécialiste, « être actif est la stratégie la plus importante que vous puissiez mettre en oeuvre pour prévenir et remédier au déclin cognitif ». Quels sont les liens entre sport et neurones ? Quelles activités sont les plus protectrices pour le cerveau et nos fonctions cognitives ? Voyons cela plus en détail.

Comment l'exercice physique peut protéger de la maladie d'Alzheimer

L'exercice physique stimule la formation de nouveaux neurones

Un des mécanismes menant à la maladie d'Alzheimer est un déséquilibre entre la construction de nouveaux neurones (réduite) et la destruction des anciens (augmentée). La production de nouveaux neurones (neurogenèse) dans l'hippocampe (une zone du cerveau qui joue un rôle important pour la mémoire) est cruciale chez l'adulte pour les apprentissages et la mémoire. Des chercheurs de l'Ecole de médecine de Harvard (Boston, Massachusetts) ont cherché à déterminer le meilleur moyen d'induire la neurogenèse à l'aide de souris atteintes de maladie d'Alzheimer afin de mieux comprendre comment les problèmes de neurogenèse dans l'hippocampe contribuent à la maladie d'Alzheimer et si les résoudre permettait de réduire les symptômes.

Publiées dans la revue Science, leurs expériences ont montré que la production de nouveaux neurones dans l'hippocampe était boostée soit par l'activité physique, soit par une thérapie médicamenteuse et génique promouvant la naissance de cellules neurales. Cependant, seules les souris chez lesquelles la neurogenèse avait été induite par l'exercice montraient des améliorations cognitives et une réduction des niveaux de protéine bêta-amyloïde, un marqueur de la maladie d'Alzheimer.

« C'est parce que les nouveaux neurones dont la naissance avait été induite par des médicaments n'étaient pas capables de survivre dans les régions du cerveau déjà atteintes par la maladie » explique Rudolph Tanzi, un des scientifiques. « Nous avons trouvé que la différence clé entre les deux manières d'induire la neurogenèse était que l'exercice permettait aussi d'augmenter la production de BDNF, un facteur neurotrophique important pour la croissance et la survie des neurones, créant ainsi un environnement plus hospitalier pour la survie des nouveaux neurones » ajoute Se Hoon Choi, professeur assistant de neurologie à l'hôpital général du Massachusetts où travaillent tous les investigateurs de l'étude.

Les chercheurs se sont ainsi rendu compte qu'il ne suffisait pas de créer de nouveaux neurones pour avoir des effets sur les capacités cognitives des malades mais qu'il fallait en même temps « nettoyer » l'environnement dans lequel ils sont produits afin d'assurer leur survie. L'exercice physique permet ces deux actions simultanées mais les chercheurs ont trouvé un moyen d'y arriver aussi par une voie médicamenteuse et génique qui agit à la fois sur la neurogenèse et la production de BDNF. Reste à tester si cette nouvelle voie marche aussi chez l'humain.

Le rôle de l'irisine chez l'homme et l'animal

Dans une autre étude parue dans la revue Nature Medicine, des chercheurs ont cherché à comprendre par quel mécanisme l’activité physique peut améliorer la mémoire et réduire le risque de maladie d’Alzheimer. Des études menées précédemment ont montré qu’au cours de l’activité physique, une hormone appelée irisine est libérée dans la circulation sanguine. L’irisine joue essentiellement un rôle dans le métabolisme énergétique. Mais il semblerait, d’après des études plus récentes que cette hormone peut également favoriser la croissance neuronale dans l'hippocampe du cerveau, une région essentielle pour l'apprentissage et la mémoire. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont analysé des échantillons de tissus provenant de cerveaux de personnes décédées. Ils ont remarqué que l’irisine est présente en plus faible quantité dans l’hippocampe des personnes qui étaient atteintes de la maladie d’Alzheimer.

En utilisant des modèles animaux (souris), les chercheurs ont cherché à en savoir plus sur le rôle de l’irisine dans le cerveau. Ils ont remarqué que des souris Alzheimer qui nagent presque tous les jours pendant 5 semaines (et donc produisent de l’irisine) ne présentent pas de troubles de la mémoire par rapport aux souris sédentaires : l’irisine semble donc avoir un rôle protecteur. De plus, en bloquant l’irisine avec un médicament, les chercheurs ont observé que les bénéfices de la natation étaient totalement éliminés. L’augmentation des niveaux d’irisine dans le cerveau des souris Alzheimer améliore la plasticité des synapses - les zones permettant la communication entre les neurones - et empêche la perte de mémoire.  

Les effets de l'exercice aérobie chez des personnes à risque d'Alzheimer

Une recherche parue en décembre 2019 dans Brain Plasticity montre que l’exercice aérobie est associé à une meilleure fonction cérébrale chez les adultes à risque pour Alzheimer. Cette étude s’est intéressée à 23 personnes qui n’avaient pas de problème cognitif particulier mais présentaient un risque génétique de maladie d’Alzheimer ou des antécédents familiaux pour cette pathologie. Tous étaient sédentaires.

Certains ont reçu des informations sur la nécessité de pratiquer de l’activité physique régulièrement, et d’autres ont suivi un programme d’exercice aérobie de six mois avec un tapis d’entraînement. Ces séances avaient lieu trois fois par semaine pendant 26 semaines.

Résultats : ceux qui suivaient l’entraînement aérobie avaient de meilleures capacités de réflexion et réussissaient mieux les tests cognitifs sur la fonction exécutive. La fonction exécutive est un secteur de la cognition qui décline quand la maladie d’Alzheimer progresse. Elle comprend des processus mentaux qui permettent de planifier, de concentrer son attention, de se souvenir d’instructions et de gérer plusieurs choses en même temps.

Ces améliorations s’accompagnaient également d’une meilleure forme cardiorespiratoire. De plus, les personnes qui avaient suivi l’entraînement étaient moins sédentaires après ce programme que les autres.

Comment le sport protège d'Alzheimer au niveau cellulaire

Dans La fin d'Alzheimer - le programme, le Dr Dale Bredesen explique que le sport régule le Nrf2, qui protège les cellules en leur conférant une protection épigénétique pour une meilleure résistance aux facteurs de stress environnementaux et en augmentant leur capacité à prévenir les maladies et à y résister. 

L’exercice est également une stratégie importante pour guérir les mitochondries endommagées caractéristiques de la résistance à l’insuline. Bien que le jeûne associé à nos recommandations alimentaires puisse favoriser la récupération, l’intégration de l’exercice physique à ces stratégies est vitale. Les mitochondries sont souvent décrites comme des piles présentes dans chaque cellule de notre organisme. L’exercice physique régule les mitochondries et « active » en quelque sorte la flexibilité métabolique, cette capacité qu’a l’organisme d’utiliser comme carburant soit la graisse, soit le glucose et de les métaboliser selon leur disponibilité. Un apport énergétique régulier est crucial pour la cognition quand on sait que le cerveau, bien qu’il ne représente que 2 % du poids total du corps, requiert pour son fonctionnement 20 % de l’apport énergétique global du corps.

L’exercice physique exerce aussi une action bénéfique sur le cerveau via les cellules gliales cérébrales. Ces cellules constituent un système d’élimination des déchets pour le cerveau qui se comporte de la même manière que le système lymphatique de l’organisme, et qu’on appelle système glymphatique. La bêta-amyloïde et d’autres protéines extracellulaires sont évacuées du cerveau par cette voie récemment découverte. L’exercice physique stimule fortement le flux glymphatique, et l’étude montre que chez les souris qui ont fait de l’exercice pendant cinq semaines, il le multiplie par plus de deux.

En pratique : quelle activité physique faire en prévention d'Alzheimer ?

La bonne nouvelle, c’est que n’importe quelle forme d’exercice est bénéfique, car elle augmente le volumedu cerveau. Les possibilités sont illimitées, de la marche au jardinage en passant par la danse. Avant de vous lancer dans un programme d’exercice physique, veillez à consulter votre médecin pour vous assurer que votre état de santé vous permet de pratiquer votre activité préférée. S’il peut être tentant d’en faire trop, attention aux effets contre-productifs. En effet, si vous vous blessez, il vous faudra cesser votre pratique le temps de guérir.

Les exercices de cardio ont fait l’objet d’études plus approfondies que les exercices de musculation et pourraient être un peu plus indiqués, mais ils restent tous deux d’une importance capitale à mesure que nous vieillissons. On parle d’exercice de cardio pour toute activité physique soutenue, comme la marche, le jogging, le cyclisme ou l’aviron, qui améliorent l’efficacité du système cardiovasculaire de l’organisme. 

L’influence des exercices de musculation sur la santé cognitive n’a pas été aussi bien étudiée, mais avoir un corps solide est important pour la santé, de manière générale. Une méta-analyse a examiné 24 études et a révélé que les exercices de musculation s’accompagnent d’une forte amélioration positive des scores obtenus aux tests de dépistage de la maladie d’Alzheimer, en particulier dans le domaine des fonctions exécutives qui enregistre la plus forte amélioration. Les
exercices de musculation préviennent la sarcopénie, cette perte naturelle de masse musculaire maigre qui survient lorsque l’on vieillit mais aussi la perte de masse osseuse. 

Comme le souligne le Dr Bredesen, « pour renforcer vos muscles, nul besoin de vous inscrire dans une salle de musculation ou d’acheter tout le matériel. Il vous suffit d’investir dans des bandes élastiques. Elles sont peu coûteuses, légères et se transportent et se rangent facilement. Ce sont de larges bandes de caoutchouc qui présentent des résistances différentes et que l’on choisit selon son niveau de forme physique. On s’en sert pour effectuer divers exercices dans diverses positions qui sollicitent les groupes musculaires d’une manière comparable à celle des machines et des poids libres ».

Références
  1. Gregory A. Panza et al.: Can Exercise Improve Cognitive Symptoms of Alzheimer’s Disease? Journal of the American Geriatrics Society 66, no. 3, 487–95, March 2018.
     
  2. Nancy Vargas-Mendoza et al.: Antioxidant and Adaptative Response Mediated by Nrf2 During Physical Exercise. Antioxidants 8, no. 6, 196, June 2019.
  3. Adam J. Trewin et al. : Acute Exercise Alters Skeletal Muscle Mitochondrial Respiration and H2O2 Emission in Response to Hyperinsulinemic-Euglycemic Clamp in Middle-Aged Obese Men, PLoS One 12, no. 11, e0188421, November 2017
     
  4. Jeffrey J. Iliff et al. : A Paravascular Pathway Facilitates CSF Flow Through the Brain Parenchyma and the Clearance of Interstitial Solutes, Including Amyloid β. Science Translational Medicine 4, no. 147, 147ra111, August 2012
  5. Stephanie von Holstein-Rathlou, Nicolas Caesar Petersen, and Maiken Nedergaard : Voluntary Running Enhances Glymphatic Influx in Awake Behaving, Young Mice, Neuroscience Letters 662, 253–58, January 2018

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