Diabète : faut-il manger moins de graisses et des féculents à chaque repas ?

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 07/05/2019 Mis à jour le 09/05/2019
Article

La doctrine officielle qui invite les diabétiques à manger moins de graisses et beaucoup de glucides ne permet pas d’espérer inverser la maladie.

Le site Nestlé Nutri Pro, qui se veut un portail d’information sur la diététique et la nutrition pour les professionnels de santé, a relayé récemment les propos d’un médecin sur l’alimentation à adopter quand on a un diabète de type 2.
Selon ce médecin, les patients doivent « réduire  les graisses » mais pas les glucides : « non seulement on peut, mais on doit manger des féculents ». Les pâtes en particulier seraient « excellentes » car elles « donnent des montées de glycémie raisonnables » et que « ça permet d’avoir moins faim ». Quant au sucre dans le café, « ça ne compte pas, ce n’est pas dramatique ».

Pourquoi ce discours ?

Dans son livre Santé mensonges et (toujours) propagande, Jérémy Anso montre que la prise en charge « officielle » du diabète repose exclusivement sur une diminution de « l’apport quantitatif en lipides », alors que les glucides devraient, selon la Haute autorité de santé « représenter 50 à 55% des calories ». « Ces conseils, écrit Jérémy Anso, s’appuient sur un « référentiel de bonnes pratiques » publié par la Société francophone du diabète (SFD) ». 

Faut-il vraiment réduire les graisses et consommer des féculents à chaque repas quand on est diabétique ?

Il n’y a pas une stratégie unique de prise en charge nutritionnelle du diabète. Des études ont montré qu’un régime alimentaire pauvre en graisses et riche en glucides peut aider à stabiliser la glycémie à long terme, voire la faire baisser, à condition que les glucides soient riches en fibres, c’est-à-dire qu’ils aient un index glycémique (IG) bas et qu’ils conduisent à une charge glycémique basse, ce qui n’est absolument pas assuré lorsqu’on consomme des féculents comme les pommes de terre ou le pain.

Les pâtes ont un IG modéré, mais une assiette de pâtes, telle qu’elle est conseillée sur le site Nestlé Nutri Pro peut conduire à une charge glycémique élevée, si elle est copieuse. Le plus important est qu’une alimentation riche en glucides et/ou féculents n’a jusqu’ici jamais permis d’inverser un diabète, ce qui doit être l’objectif de toute recommandation nutritionnelle dans les diabètes d’apparition récente.

Lire : Les meilleurs féculents à IG bas

Comment inverser un diabète ?

Longtemps considéré comme une maladie incurable, le diabète de type 2 peut en effet être «inversé».  La plupart des spécialistes s’accordent pour dire qu’une inversion (ou une rémission) correspond à une hémoglobine glyquée (HbA1c) durablement inférieure à 6,5%, sans prise de médicaments.
Le rapport sur le diabète de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) daté de 2016 a d’ailleurs admis ce concept d’inversion du diabète et reconnu qu’elle peut être réalisée par la perte de poids et la diminution des calories. 

Il n’existe à ce jour que trois moyens bien documentés d’inverser un diabète. Le premier, qui est aussi le plus efficace, n’a rien à voir avec la nutrition : c’est la chirurgie bariatrique, avec un taux de rémission à long terme proche de 80%. 
Les deux autres sont des approches nutritionnelles très éloignées des conseils officiels actuels :

  • la restriction temporaire des calories
  • la restriction des glucides.

Les études conduites à l’université de Newcastle montrent qu’une diminution brutale, temporaire (quelques semaines) mais drastique des calories peut inverser un diabète chez près de la moitié des patients à un an, et plus d’un patient sur trois après deux ans, via une perte de poids qui varie selon la corpulence de départ mais qui typiquement devrait être de 15 kilos lorsqu’on est en surpoids ou obèse. Cette expérience a été relatée par Normand Mousseau dans son livre.

L’autre moyen documenté et prometteur d’inverser un diabète, c’est la restriction des glucides (qui s’accompagne souvent d’une diminution des calories), soit par un régime low  carb de type Atkins, soit, plus efficacement, en suivant un régime cétogène. Plusieurs études témoignent de l’intérêt de cette approche, avec notamment dans une étude (non contrôlée), un taux d’inversion de diabète de l’ordre de 60% à un an. 

Qu’il s’agisse de la restriction calorique ou de la restriction glucidique, les études d’intervention n’ont pas dépassé deux ans. On peut donc dire que ces approches permettent d’espérer une inversion du diabète à court terme, pour une partie des patients, mais que d’autres travaux sont nécessaires pour savoir si ces bénéfices sont maintenus après plusieurs années.

Lire aussi : Comment manger pour inverser un diabète de type 2 (abonnés)

Conclusion

Les recommandations officielles faites aux diabétiques français (moins de graisses, des féculents à chaque repas) ont globalement échoué à améliorer la santé des patients ; même si dans certains cas (charge glycémique basse), elles peuvent aider à stabiliser la glycémie ou l’abaisser modérément, elles ne permettent pas d’inverser la maladie. Pour espérer y parvenir au moins à court terme, il faut adopter des changements souvent contraignants dans son mode de vie : restriction calorique de quelques semaines, ou low carb.

« Les glucides, écrit Jérémy Anso, sont les nutriments qui élèvent le plus la glycémie et sollicitent le plus le pancréas. La logique voudrait donc de les diminuer chez les patients diabétiques, ou, si on ne les diminue pas, d’encourager le patient à choisir les moins glycémiants, sur la base de leur index glycémique. Mais ce sujet n’est pas en France à l’ordre du jour. Quant au sucre et aux produits sucrés, pas question de s’en priver. »

Pour aller plus loin : Santé, mensonges et (toujours) propagande et Comment j'ai vaincu le diabète sans médicament

Sources 

Cox DJ, Taylor AG, Dunning ES, Winston MC, Van ILL, McCall A, Singh H, Yancy WS. Impact of behavioral interventions in the management of adults with type 2 diabetes mellitus. Curr Diabetes Rep 2013;13(6):860-868

Hallberg SJ, McKenzie AL, Williams PT, Bhanpuri NH, Peters AL, Campbell WW, Hazbun TL, Volk BM, McCarter JP, Phinney SD, Volek JS. Effectiveness and Safety of a Novel Care Model for the Management of Type 2 Diabetes at 1 Year: An Open-Label, Non-Randomized, Controlled Study. Diabetes Ther. 2018 Apr;9(2):583-612. doi: 10.1007/s13300-018-0373-9. Epub 2018 Feb 7. Erratum in: Diabetes Ther. 2018 Mar 5;:.

Cox DJ, Taylor AG, Singh H, Moncrief M, Diamond A, Yancy WS Jr, Hegde S, McCall AL. Glycemic load, exercise, and monitoring blood glucose (GEM): A paradigm shift in the treatment of type 2 diabetes mellitus. Diabetes Res Clin Pract. 2016 Jan;111:28-35. doi: 10.1016/j.diabres.2015.10.021.

Hallberg SJ, Gershuni VM, Hazbun TL, Athinarayanan SJ. Reversing Type 2 Diabetes: A Narrative Review of the Evidence. Nutrients. 2019 Apr 1;11(4).

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