Dr Bredesen : "Il faut agir dès les premiers signes de déclin cognitif"

Par Elvire Nérin - Journaliste scientifique et auteure Publié le 12/04/2023 Mis à jour le 12/04/2023
Point de vue

Pour le neurologue Dale Bredesen, des changements visant l'alimentation, le stress, le sommeil, la socialisation, sont les leviers les plus puissants pour prévenir et inverser déclin cognitif et maladie d'Alzheimer. Mais il faut agir tôt.

Le Dr Dale Bredesen est neurologue et chercheur spécialiste d'Alzheimer. Après un doctorat en médecine à l'Université Duke (Caroline du Nord), il a été chef de clinique en neurologie à l'Université de Californie à San Francisco (UCSF), avant de travailler dans le laboratoire du Prix Nobel 1997 Stanley Prusiner à UCLA. Il a occupé des postes de professeur à UCSF, à l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA) et à l'Université de Californie à San Diego. Le Dr Bredesen a également dirigé le programme sur le vieillissement au Burnham Institute avant de fonder le Buck Institute (Californie).

Pour prévenir et traiter la maladie et les déclins cognitifs, il propose une approche multifactorielle personnalisée, appelée ReCODE qui repose sur des changements nets d'alimentation et de mode de vie avec dans certains cas un rééquilibrage hormonal. Il a décrit ce protocole dans deux livres La Fin d'Alzheimer, et La Fin d'Alzheimer - Le Programme. Il publie Les Premiers Survivants d'Alzheimer qui présente les témoignages de malades ayant retrouvé un fonctionnement normal.

LaNutrition : Dr Bredesen, pourquoi un nouveau livre ?

Dr Bredesen :  Avec le protocole ReCODE, nous assistons aux premiers cas d’inversions de la maladie d’Alzheimer ou des pré-Alzheimer. Nous voyons des patients diagnostiqués Alzheimer s’améliorer.  C’est la raison d’être des Survivants d'Alzheimer : faire témoigner ces hommes et ces femmes, leur donner la parole, montrer qu’il y a un espoir. La première partie du livre comprend sept chapitres, et chaque chapitre est une histoire écrite par quelqu'un qui a été amélioré par le protocole ReCODE.

Vous avez aussi publié en parallèle un essai clinique. Qu'avez-vous observé ?

Nous avons en effet terminé un essai clinique avec le protocole ReCODE, qui est maintenant publié et que l'on peut consulter. Vous pouvez comparer directement les résultats de notre essai à ceux portant sur le médicament aducanumab, qui a été approuvé par la Food and Drug Administration le 7 juin 2022, mais pas par l’agence européenne du médicament. Avec le médicament, personne n’a été amélioré, personne n’a été stabilisé. Le déclin n’a été ralenti au mieux que de 22 %. Et c'est un médicament qui va coûter 500 milliards de dollars, 56 000 $ par an, par personne.

Nous avons déjà publié nos résultats en 2014, 2016, 2018, mais les autorités sanitaires ne veulent pas voir qu'il y a quelque chose de nouveau qui cible plusieurs facteurs et qui obtient vraiment de bien meilleurs résultats qu’un médicament isolé. Dans notre dernier essai, 84 % des personnes améliorent leurs scores.

Faut-il arrêter de croire qu’une « pilule magique », un médicament, va guérir les patients ?

Absolument. Nous voulons tous améliorer les malades et prévenir, voire inverser le déclin cognitif. De par notre histoire, notre culture, on aimerait disposer d’un médicament qui résout le problème. Mais je pense que la bonne approche, c’est d’associer des médicaments ciblés à des protocoles spécifiques. Les gens commencent à réaliser qu’on peut faire beaucoup, beaucoup mieux qu’une simple pilule en s’attaquant réellement au problème de fond plutôt qu'essayer de le résoudre avec quelque chose qui ne cible pas ce qui cause réellement le déclin sous-jacent. 

Faut-il agir sur son mode de vie dès les premiers signes de troubles cognitifs ?

Si vous ne pouvez pas vous souvenir des numéros de téléphone ou n’arrivez plus à organiser les choses comme vous le faisiez auparavant, il faut agir. La raison pour laquelle les gens contractent la maladie d'Alzheimer à un stade avancé c’est qu’ils attendent trop longtemps, et qu’au début leurs médecins leur disent souvent que ce qu’ils éprouvent, c’est une conséquence normale du vieillissement naturel.

Lire : Des signes de démence présents 9 ans avant le diagnostic

Quels sont ces symptômes courants qui apparaissent tôt ?

Il existe deux grandes présentations : amnésique et non amnésique. Dans la présentation amnésique, les patients oublient ce qu’ils devaient faire, comme dans le livre, Sally qui avait oublié de venir chercher ses petits-enfants à plusieurs reprises. On oublie les tâches qu’on était censé faire, ce qu’on a mangé le matin,  un rendez-vous… Dans la présentation non amnésique, les patients ont souvent du mal avec les calculs, ou à reconnaître les visages, comme le cas de Deborah dans le livre. Après avoir suivi le protocole ReCODE, elle reconnaît maintenant parfaitement les visages.

Quel rôle joue l’inflammation chronique dans la maladie d’Alzheimer ?

Il ne fait aucun doute que la neuroinflammation et l'inflammation chronique sont présentes. Par exemple, on regarde le rapport macrophages sanguins M1 et M2 dans les cellules mononucléaires du sang périphérique. Les M1 sont plus pro-inflammatoires, et les M2 plus anti-inflammatoires. Fait intéressant, les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer se répartissent en deux groupes. Vous voyez des personnes avec des ratios M1/M2 élevés soit environ 2,5 pour 1 et d’autres avec des ratios de 6, 8, 10 qui sont clairement pro-inflammatoires, et c'est ce que nous appelons Alzheimer inflammatoire de type un. Mais on voit aussi aussi des gens avec des rapports trop bas. Ce sont des personnes atrophiques, qui ne supportent tout simplement pas une quantité appropriée d'inflammation. On sait alors que chez eux il n’y a pas d’agent infectieux.

Au fur et à mesure qu’on traite les patients et qu’ils s'améliorent, ils convergent vers un rapport optimal de 2,5. Il y a un beau travail fait à l’Université de Californie à Los Angeles par le professeur Milan Fiala, montrant que lorsque les gens suivent notre protocole, on les voit revenir à la normale. Et au contraire quand ils s'aggravent, pas de surprise, les ratios M1 sur M2 s'aggravent également.

Dans de nombreux cas, les survivants d’Alzheimer ont dû suivre un régime pauvre en glucides, de type cétogène. Pourquoi ?

Parce qu’ils consommaient trop de glucides, et trop de glucides de mauvaise qualité, ce qui conduit au surpoids, à une glycémie élevée, à la résistance à l’insuline, tout ce qu’il faut éviter. Mais nous sommes agnostiques au plan diététique. Si d’autres approches donnent des résultats, on les propose. Chez beaucoup de patients, en particulier ceux qui ont une perméabilité intestinale, un régime alimentaire de type paléo, sans produits céréaliers ni laitages, et avec beaucoup de végétaux et des bonnes graisses, est bénéfique. Parce que le gluten des céréales favorise la perméabilité de l’intestin, et que les protéines laitières peuvent alors déclencher des réactions immunitaires donc inflammatoires. Ce problème de porosité intestinale est l’un des plus courants dans les états inflammatoires chroniques. Mais les patients l’ignorent. Les médecins ne le recherchent pas, donc ne le traitent pas. Pourtant ce traitement est une part importante de l'optimisation globale.

Lire : Prévenir Alzheimer avec les régimes CétoFLEX et MIND

Préconisez-vous des suppléments ou peut-on couvrir ses besoins par l’alimentation ?

Il y a des nutriments clés pour le cerveau, dont il ne faut pas manquer, comme les oméga-3, le magnésium, les vitamines B1, B9, B12, la vitamine D. On peut se procurer beaucoup de ces nutriments sans avoir besoin de suppléments. On dit souvent aux patients qu'il est préférable de les obtenir par l'alimentation plutôt que par la supplémentation. Au début, nous avons demandé à tout le monde de se supplémenter, parce qu’on voulait avoir la certitude que leurs besoins seraient couverts. Mais nous constatons aujourd'hui que nous pouvons commencer à réduire le nombre de suppléments pour de nombreuses personnes. Malgré tout, c’est plus compliqué pour la vitamine D quand on habite le nord des Etats-Unis et de l’Europe par exemple, ou pour la vitamine B12 quand on suit une alimentation strictement végétale. Dans ces cas, les suppléments sont pratiquement incontournables.

Quelle est la place de l’exercice dans votre approche ?

En termes d'exercice, nous associons la musculation, qui est particulièrement bonne pour la sensibilité à l'insuline, et un entraînement aérobie, qui est particulièrement bon pour l’oxygénation oxygénation et la circulation sanguine, et aussi pour des choses comme l'augmentation des cétones.

Si vous aimez le HIIT, c’est parfait. L'une des choses que j'aime vraiment est l'EWOT, l'exercice avec oxygénothérapie, qui consiste à inhaler des niveaux plus élevés d’oxygène, car on agit sur plusieurs paramètres qui contribuent au déclin cognitif. 

Quels rôles jouent le stress et le sommeil ?

J'ai été surpris de l'importance du stress. Lorsque votre amygdale, une région du cerveau, perçoit une menace, il y a du stress. Le stress est un énorme facteur contribuant au déclin cognitif. De nombreuses études montrent que la perception du stress ou de la menace par le cerveau peut vous maintenir dans le déclin cognitif. 

Le sommeil est l'un des aspects les plus importants pour améliorer le déclin cognitif et optimiser les capacités cognitives. Il faut vérifier que l’on s’oxygène suffisamment la nuit. C’est possible de le faire avec une montre connectée ou juste un petit oxymètre au doigt.

Vous insistez aussi sur la variabilité de la fréquence cardiaque

Nous essayons d’amener les patients à améliorer la variabilité de leur fréquence cardiaque, par une respiration appropriée comme la pratique de la cohérence cardiaque, la méditation… Autrefois, en tant que scientifique, je me moquais de la méditation. Il s'avère que c'est très important, très utile. Toujours en tant que scientifique, je ne peux pas ignorer les données.

Lire : la respiration anti-inflammatoire (abonnés)

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