Pourquoi le Covid-19 affecte davantage certaines personnes et lesquelles

Par Dr Evelyne Bourdua-Roy - Médecin généraliste Publié le 28/04/2020 Mis à jour le 28/04/2020
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Les quelques mois de recul dont nous disposons sur l'épidémie de Covid-19 permettent d'établir plus nettement les conditions qui favorisent à la fois la maladie mais aussi ses complications et le recours à une assistance respiratoire. Voici les personnes à risque de Covid-19, pourquoi et comment elles peuvent limiter leur risque de complications.

D’abord et avant tout, il importe de préciser que le coronavirus SARS-CoV-2 est récent et que la science et les découvertes sont en constante évolution. Les études qui se publient actuellement peuvent montrer beaucoup d’hétérogénéité statistique et n’ont pas toutes été révisées par des pairs. Cela peut être lié aux méthodes d’étude et à la grande variation entre la taille des échantillons (9 à 46 248 patients). Bon nombre de ces études viennent de Chine et d’Italie, car ces pays ont traversé la crise avant l’Amérique. Nous pouvons également nous baser sur des études menées dans les dernières années sur d’autres virus et dans d’autres contextes pour essayer de mieux comprendre pourquoi le COVID-19 affecterait davantage certaines personnes plutôt que d’autres. 

Les personnes particulièrement vulnérables à l’infection par SARS-CoV-2 

Il semblerait que les personnes de plus de 60-65 ans soient plus à risque (au Québec, par exemple, sur 630 cas au 15 avril 2020, 90 % avaient 70 ans et plus selon l’INSPQ, de même que celles qui ont certains problèmes de santé, comme l’obésité (2e facteur de risque le plus important) selon une étude qui vient de sortir,  l’hypertension artérielle et le diabète de type 2.

Pour une équipe de chercheurs roumains, il ne fait pas de doute que les personnes plus âgées souffrant de maladies chroniques comme le diabète sont plus à risque de développer des symptômes sévères et des complications du COVID-19 (1).
Une équipe de chercheurs chinois a fait une revue systématique de la littérature et une méta-analyse (8 articles scientifiques et au total près de 47 000 patients infectés par le COVID-19) et a conclu que la comorbidité la plus fréquente était l’hypertension (17 % des patients), suivi du diabète (8 % des patients) et des maladies cardiovasculaires (5 % des patients), surpassant les patients infectés qui avaient déjà des problèmes respiratoires (2 % des patients).

Selon ces chercheurs, les patients ayant ces maladies chroniques sont plus à risque de développer des complications et des symptômes sévères avec le COVID-19 parce qu’ils sont déjà dans un état pro-inflammatoire et que leur système immunitaire est déjà affaibli (2).

Pourquoi les personnes en surpoids sont-elles plus affectées par le COVID-19

On vient de le voir, l'obésité a été identifiée comme un facteur de risque d’hospitalisation et de ventilation mécanique et, donc, de complications en cas d'infection par le SARS-CoV-2. Qu'est-ce qui peut expliquer cela ?

Tout d'abord, l’obésité est associée à une diminution du volume de réserve expiratoire, de la capacité fonctionnelle et de l’efficacité du système respiratoire dans son ensemble. Chez les patients présentant une obésité abdominale, la fonction pulmonaire est encore plus compromise. Il est donc beaucoup plus difficile de ventiler une personne obèse qu’une personne avec un poids normal.  
Par ailleurs, l’obésité est souvent caractérisée par un état inflammatoire chronique, en particulier s’il s’agit d’obésité tronculaire ou viscérale (pensez à un corps en forme de pomme plutôt que poire), qui affaiblit ou rend dysfonctionnel le système immunitaire, entre autres via la résistance à l’insuline et le déséquilibre dans les cascades de cytokines. Les personnes obèses peuvent donc avoir plus de difficulté à combattre les infections.  

À lire aussi : COVID-19 : qu’est-ce qu’un orage de cytokines et pourquoi est-ce une question de vie ou de mort pour les malades ? (Abonné)

Des chercheurs chinois ont mené une analyse rétrospective sur 112 patients infectés par la COVID-19, dont un sous-groupe a nécessité des soins intensifs. L’IMC moyen était plus élevé dans le groupe qui a été traité à l’unité de soins intensifs par rapport au groupe ayant eu des symptômes « normaux » et n’ayant pas eu besoin de soins intensifs (IMC > 25 vs IMC < 22). Chez les patients décédés, 88 % présentaient un IMC > 25 (3). Rappelons que les normes relatives à l’interprétation de l’IMC diffèrent chez les Asiatiques et les Caucasiens (les Asiatiques sont considérés comme obèses avec un IMC moindre).

Dans une autre étude par analyse rétrospective de 280 patients d’un hôpital de la province d’Anhui, d'autres scientifiques chinois ont aussi trouvé que les patients infectés ayant présenté des symptômes sévères nécessitant des soins intensifs avaient un IMC moyen plus élevé que les autres patients (4).

Dans une étude menée cette fois à New York, sur 4103 patients atteints de COVID-19, 48,7% ont été hospitalisés et 445 d'entre eux ont eu besoin de ventilation mécanique. Les facteurs de risque les plus importants pour l’hospitalisation étaient l’âge ≥65 ans, un IMC  > 40 et l’insuffisance cardiaque. Dans leur arbre décisionnel d’admission, les deux principales caractéristiques cliniques favorisant l’hospitalisation étaient l’âge et l’obésité. Les auteurs concluent que l’âge et les comorbidités sont de puissants prédicteurs d’hospitalisation. 

Prenons aussi l’exemple de la grippe H1N1. Aux États-Unis, en Californie plus précisément, entre avril et août 2009, 1 088 patients atteints de cette grippe ont été hospitalisés ou sont décédés. 58% de ces patients étaient obèses (IMC > 30) et de ceux-ci, 67 % étaient obèses morbides (IMC > 40) (5). 

À lire aussi : COVID-19 : pourquoi 7 millions de Français obèses courent un risque très élevé (mais modifiable) d’infection et de complications (Abonné)

L’impact du Covid-19 chez les diabétiques de type 2 

Il semble que les personnes ayant le diabète de type 2 sont plus à risque de nécessiter des soins intensifs ou de mourir, du moins c’est ce qu’un groupe de chercheurs-médecins chinois ont trouvé en faisant une étude d’observations rétrospectives (191 patients dans un hôpital spécialisé en pneumologie).
Dans cette étude, 67 % des patients décédés avaient une comorbidité, soit de l’hypertension artérielle (48 %), du diabète de type 2 (31 %), une maladie cardiovasculaire (24%) ou une maladie pulmonaire (7 %) (6). 
Même genre d’observation en Italie où, sur 909 patients infectés décédés de la COVID-19, 31,5 % étaient diabétiques, et en Espagne où, sur 5466 décès, 12 % concernaient des diabétiques de type 2 (7).

À lire aussi : Les patients avec une glycémie élevée et les hypertendus ont-ils plus de risques de complications que les autres ?

L'inflammation chronique comme cause possible

À la lumière des conclusions des diverses études qui se sont penchées sur cette question jusqu’à maintenant, il y a lieu de croire que les personnes souffrant d’obésité, d’hypertension artérielle, de diabète de type 2 et de maladie cardiovasculaire, entre autres, ont tendance à présenter une inflammation systémique chronique et un système immunitaire dysfonctionnel ou qui fonctionne de manière sous-optimale (8). L’une des raisons est sans aucun doute l’hyperinsulinémie et la résistance à l’insuline, communes à toutes les comorbidités citées comme facteurs de risque, ainsi que des glycémies anormalement élevées (9).  Autrement dit, une mauvaise santé métabolique semble prédisposer à attraper le COVID-19 et à développer des symptômes graves, en plus d’augmenter les risques de décès. 

À lire aussi : Infections : comment l’inflammation chronique augmente le risque de complications, qui est à risque et comment la repérer

Que faire pour limiter ces complications ?

Pour les personnes en surpoids, il faudra améliorer leurs habitudes de vie, en particulier leur alimentation, mais également leur sommeil, leur gestion du stress et leur niveau d’activité physique. 
Il est en effet possible d’améliorer ses marqueurs de santé métabolique sans nécessairement devenir mince. C'est ce que montre par exemple une étude sur des patients ayant un syndrome métabolique à qui on a donné une alimentation pauvre, modérée ou riche en glucides, à calories totales égales. Sans perte de poids, il y a eu de nettes améliorations dans les marqueurs des patients qui avaient une alimentation pauvre en glucides.

À lire aussi : Pourquoi améliorer les paramètres métaboliques est important contre le Covid-19

Pour les diabétiques, il importe d’avoir les glycémies les plus normales et les plus stables possible et de stimuler le moins possible la sécrétion d’insuline par le pancréas. Pour ce faire, il faut adopter une alimentation pauvre en glucides, manger suffisamment de protéines pour répondre aux besoins du corps en acides aminés, et combler les besoins énergétiques avec des bons lipides naturels. Il faut également manger moins souvent, soit un maximum de 3 repas par jour sans collation, mais idéalement deux ou un seul, selon le contexte de chacun. Sauter un repas et ne manger que sur une période de 8 heures par jour c'est ce qu'on appelle le jeûne intermittent. C’est un puissant outil thérapeutique pour renverser l’hyperinsulinémie et la résistance à l’insuline, entre autres. 

Diabétiques et personnes en surpoids doivent veiller à avoir un sommeil long et réparateur, soit 7 ou 8 h de sommeil par nuit. Ceux qui se réveillent encore fatigués devraient subir un test de dépistage d’apnée du sommeil, qui est un problème très courant chez les gens en surpoids, même chez ceux qui sont certains de ne pas ronfler. Gestion du stress (avec des méthodes antistress prouvées par exemple) et augmenter l'activité physique (en respectant les recommandations de son médecin) sont deux mesures à prendre également pour tenter de réduire le risque de complications quand on a un risque plus important de Covid-19.

À lire aussi : Inverser le surpoids et le diabète avec le protocole cétogène REVERSA du Dre Èvelyne Bourdua-Roy

Références
  1. Stoian, A. P., Banerjee, Y., Rizvi, A. A., & Rizzo, M. (2020). Diabetes and the COVID-19 Pandemic: How Insights from Recent Experience Might Guide Future Management. Metab Syndr Relat Disord. doi:10.1089/met.2020.0037.
  2. Yang, J., Zheng, Y., Gou, X., Pu, K., Chen, Z., Guo, Q., Zhou, Y. (2020). Prevalence of comorbidities in the novel Wuhan coronavirus (COVID-19) infection: a systematic review and meta-analysis. Int J Infect Dis. doi:10.1016/j.ijid.2020.03.017.
  3.  Peng YD, Meng K, Guan HQ, Leng L, Zhu RR, Wang BY, He MA, Cheng LX, Huang K, Zeng QT. [Clinical characteristics and outcomes of 112 cardiovascular disease patients infected by 2019- nCoV]. Zhonghua Xin Xue Guan Bing Za Zhi. 2020 Mar2;48(0):E004)
  4. Wu J, Li W, Shi X, Chen Z, Jiang B, Liu J, Wang D, Liu C, Meng Y, Cui L, Yu J, Cao H, Li L. Early antiviral treatment contributes to alleviate the severity and improve the prognosis of patients with novel coronavirus disease (COVID-19). J Intern Med. 2020 Mar 27.
  5. Venkata C, Sampathkumar P, Afessa B. Hospitalized patients with 2009 H1N1 influenza infection: the Mayo Clinic experience. Mayo Clin Proc 2010;85:798-805 et Louie JK, Acosta M, Winter K, et al. Factors associated with death or hospitalization due to pandemic 2009 influenza A(H1N1) infection in California. JAMA 2009;302:1896-1902.
  6. Zhou F, Yu T, Du R, et al. Clinical course and risk factors for mortality of adult inpatients with COVID-19 in Wuhan, China: a retrospective cohort study. Lancet 2020;395: 1054–1062
  7. Instituto Superiore Di Sanità. Coronavirus. Accessed at https://www.epicentro.iss.it/coronavirus/ on March 28, 2020, et Instituto de Salud Carlos III. Informe n° 17. Situacio ́n de COVID-19 en Espan ̃a a 27 marzo de 2020. Equipo COVID- 19. SiViES. CNE. CNM (ISCIII). Accessed at https://www .isciii.es/QueHacemos/Servicios/VigilanciaSaludPublica RENAVE/EnfermedadesTransmisibles/Paginas/Informes
  8. Yang, J., Zheng, Y., Gou, X., Pu, K., Chen, Z., Guo, Q.,... Zhou, Y. (2020). Prevalence of comorbidities in the novel Wuhan coronavirus (COVID-19) infection: a systematic review and meta-analysis. Int J Infect Dis. doi:10.1016/j.ijid.2020.03.017.
  9. Yang JK, Feng Y, Yuan MY, et al. Plasma glucose levels and diabetes are independent predictors for mortality and morbidity in patients with SARS. Diabet Med 2006;23:623, et Gupta R, Ghosh A, Singh AK, et al. Clinical considerations for patients with diabetes in times of COVID-19 epidemic. Diabetes Metab Syndr 2020;14:211–212

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