Christian Rémésy : "La baguette, patrimoine de l’humanité, pas vraiment une bonne chose"

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 19/12/2022 Mis à jour le 20/12/2022
Actualité

En novembre 2022, la baguette française a été inscrite au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Une distinction qui fait craindre un recul sur la qualité du pain. La réaction de Christian Rémésy, auteur du livre Sauvons le pain.

Voici une nouvelle qui devrait réjouir les boulangers français : l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a inscrit en 2022, sur sa liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, les savoir-faire artisanaux et la culture de la baguette de pain en France.

D’après l’organisation onusienne, la baguette se distinguerait des autres pains car elle est composée de seulement quatre ingrédients (farine, eau, sel, levure et/ou levain) à partir desquels chaque boulanger obtient un produit unique.

L’UNESCO précise : « La baguette implique des savoir-faire et des techniques particuliers : elle est cuite tout au long de la journée dans de petites fournées et le résultat varie en fonction de la température et de l’hygrométrie. Elle génère des modes de consommation et des pratiques sociales qui la différencient des autres pains : un achat journalier à l’origine de la fréquentation régulière des boulangeries ; une forme longue qui nécessite des présentoirs spécifiques. Sa croustillance et son moelleux offrent une expérience sensorielle particulière. »

Quid des aspects nutritionnels ?

Mais l’UNESCO ne semble pas s’intéresser au contenu nutritionnel de la baguette ainsi mise à l’honneur, ce que regrette Christian Rémésy, qui a été directeur de recherche en nutrition humaine à l’Inra et à bataillé pour améliorer la qualité nutritionnelle du pain.

L’auteur du livre Sauvons le pain pense même « le plus grand mal » de cette inscription de la baguette française au patrimoine de l’humanité, qui pourrait surtout favoriser l’industrie agro-alimentaire : « cette distinction intéresse l’industrie du pain, et même des pays étrangers qui veulent faire du pain à la française. Cela favorise la promotion d’un certain type de pain qui ressemble au pain français. »

De plus, cette valorisation de la baguette soulève des interrogations car c’est plus la forme de la baguette que son contenu qui semble avoir été privilégié : « on a inscrit la baguette au patrimoine de l’UNESCO mais si on ne précise pas la qualité nutritionnelle, et même les aspects physiques de la baguette, on ne privilégie qu’un type de pain allongé qui ressemble à une baguette. »

Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’existe pas de bonnes baguettes : « tout dépend comment elles sont produites. » Une bonne baguette se juge en fonction de la qualité de ses farines notamment. Le chercheur ajoute : « il ne doit pas y avoir d’additif, même pas d’enzymes (la plupart des farines sont dopées avec des enzymes), il faut que la pâte n’ait quasiment pas subi de pétrissage, que la teneur en sels soit relativement modérée… » Une bonne baguette réclame de longs pointages (étapes de fermentation) à une température relativement élevée, au-dessus de 10-15 °C, et « il faut utiliser de très faibles quantités de ferments, que ce soit de la levure ou du levain. » Mais en France, la majorité des baguettes sont faites avec de la levure, sont sur-pétries et très salées, regrette Christian Rémésy.

Lire : Les bienfaits du pain au levain

Le bon pain toujours menacé en France

D’après Christian Rémésy, le bon pain est bel et bien menacé en France notamment à cause d’une perte de savoir-faire et d’un manque de formation. « La formation actuelle des boulangers est très robotisée, elle met en exergue un pétrissage beaucoup trop intensif et continue d’utiliser des farines trop blanches. Cette formation n’initie pas les boulangers à l’utilisation du levain et à savoir utiliser des farines bises, d’autres graines. » À cela s’ajoute un problème de prix : « dès qu’on a affaire à du pain de très haute qualité nutritionnelle, par exemple du pain au levain, avec des blés anciens, le prix est dissuasif... »

Enfin, le consommateur qui a mangé pendant des années du pain blanc ne sait pas toujours distinguer un bon pain. Il reste donc encore beaucoup « de pain sur planche » pour changer la donne et sauver le bon pain !

Lire aussi : Baguette, pain de mie, pain complet : comment choisir pour sa santé ?

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