Le Nutri-Score, c'est quoi ?

Par Sarah Amiri - Diététicienne et journaliste scientifique Publié le 21/06/2022 Mis à jour le 24/06/2022
Choisir ses aliments

L'étiquetage du Nutri-Score est censé refléter les qualités nutritionnelles d’un aliment et aider le consommateur à faire le bon choix pour sa santé. Est-il réellement fiable ? Décryptage.

Qu'est-ce que le Nutriscore ? Est-il obligatoire ?

Définition

Le Nutri-Score a été mis en place pour la première fois en France en 2017 dans le cadre du règlement européen EU n°1169/2011, dit règlement INCO. Ce score se base sur les travaux mis au point par les équipes du professeur Serge Hercberg ainsi que l’expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) et du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP). Depuis son lancement en France, plusieurs pays ont décidé de recommander son utilisation: la Belgique, la Suisse, l’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas et le Luxembourg.

Le Comité de pilotage du nutriscore, composé de représentants de l'industrie agroalimentaire, du ministère de l'Economie et des Finances et de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF), a été créé en juillet 2017

C’est un système d’information nutritionnelle sous la forme de 5 couleurs et 5 lettres de A à E censé refléter les qualités nutritionnelles d’un produit, et qui varie du A/vert (le plus favorable) au B/jaune, C/orange, D/rose ou E/rouge (le moins favorable). Ce système est basé sur un score obtenu à partir de plusieurs critères nutritionnels choisis par l’Agence britannique des aliments (Food Standards Agency) sur la base des recommandations alimentaires officielles. Il a été choisi et imposé par le responsable du Programme national nutrition santé. Les entreprises agroalimentaires apposent ce logo sur la face avant de l'emballage de leur produit sur la base du volontariat.

À lire aussi : Nutri-Score : que penser du premier bilan officiel ? et Revers européen pour le Nutri-Score ?

Comment est-il calculé ?

Critères considérés comme défavorables : énergie, sucres simples, graisses saturées, sodium. Des points de 0 à 10 sont attribués à chacun de ces éléments selon leur teneur. Ce score N peut donc aller de 0 (le plus favorable) à 40 (le moins favorable).

Points Energie (kJ) Graisses saturées (g) Sucres (g) Sodium (mg)
0 ≤335 ≤1 ≤4.5 ≤90
1 >335 >1 >4.5 >90
2 >670  >2 >9 >180
3 >1005 >3 >13.5 >270
4 >1340 >4 >18 >360
5 >1675 >5  >22.5 >450
6 >2010 >6 >27 >540
7 >2345 >7  >31 >630
8 >2680 >8 >36 >720
9 >3015  >9 >40 >810
10 >3350  >10 >45 >900

Exemple de calcul pour N
Maïs doux en conserve (pour 100 g) : 298 kJ, 0,3 g de graisses saturées, 5,5 g de sucres, 20 mg de sodium
N = 0+ 0+ 1 + 0 = 1

Critères considérés comme favorables : teneur en fruits/légumes/noix, fibres, protéines. Des points de 0 à 5 sont attribués à chacun de ces éléments selon leur teneur. Ce score P peut donc aller de 15 (le plus favorable) à 0 (le moins favorable).

Points Teneur en fruits, légumes et noix (%)  Fibres (g) Protéines (g)
0    ≤40 ≤0.7 ≤1.6
1 40 >0.7 >1.6
2   >60 >1.4 >3.2
3   >60 >2.1 >4.8
4   >60 >2.8 >6.4
5   >80 >3.5 >8.0

A noter : la pomme de terre, la patate douce, le taro, le manioc et le tapioca ne sont pas pris en compte dans les fruits, légumes et noix.

Exemple de calcul pour P
Maïs doux en conserve (pour 100 g) : teneur en légumes : près de 100%, fibres : 3,8 g, protéines : 2,5 g
P = 5 + 5 + 1 = 11

Calcul de la couleur
Si N <11, le score final est N-P
Si N ≥ 11, on ne compte pas de point pour les protéines.

  • Si les points pour les fruits, légumes et noix = 5, alors score = N - P
  • Si les points pour les fruits, légumes et noix < 5, alors score = N - (points pour les fibres) + (points pour les fruits, légumes et noix)

Les notes théoriques du score final vont donc de -15 (le plus favorable) à +40 (le plus défavorable).

Des couleurs et des lettres sont attribués en fonction du score final. Pour les aliments solides : A/vert foncé (de mini à -1) ; B/vert clair (de 0 à 2) ; C/orange clair (de 3 à 10) ; D/orangé moyen (de 11 à 18) ; E/rouge (de 19 à max).

Dans le cas de notre maïs en boîte : S = N - P = 1 -11 = - 10. Sa couleur est donc le A/vert.

Les situations particulières
Pour ne pas pénaliser les fromages, conseillés en France à raison de 3 à 4 laitages par jour, la teneur en protéines est prise en compte même si N ≥ 11.
Des points différents sont attribués aux matières grasses en fonction de leurs teneurs en acides gras saturés.

Points Graisses saturées (g)
0  ≤6
1 >6
2  >10
3  >14
4  >18
5  >22
6  >26
7  >30
8  >34
9  >38
10  >42

Le score nutritionnel pour le lait et les laits végétaux est calculé avec la formule générale et non la formule pour les boissons.
Les seuils des points pour l'énergie et les sucres sont modifiés pour les boissons :

Points  Energie (kJ) Sucres (g)
0 0 0
1 ≤30 ≤1,5 ou édulcorants
2 >30 >1,5
3 >60 >3
4 >90 >4,5
5 >120 >6
6 >150 >7,5
7 >180 >9
8 >210 >10,5
9 >240 >12
10 >270 >13,5

L’attribution des points pour les sucres prend en compte la présence d’édulcorants, pour lesquels la grille maintient les scores sucres simples à 1 (au lieu de 0).Pour les boissons chaudes non sucrées (thé, café), afin de maintenir leur score à 0 (identique à l’eau), le score KJ a été maintenu à 0 si les sucres simples sont à 0.

Est-ce que le Nutriscore est fiable ?

Les critères retenus dans ce score sont-ils pertinents ?

Oui

Pour ce qui est de l’énergie, des fruits/légumes, des fibres et (en partie) des sucres (le score nutritionnel utilise le qualificatif de « sucres simples », qui correspond à une réalité chimique mais pas nutritionnelle, et a depuis 30 ans été remplacé par la notion d’index glycémique).

Pas vraiment

C’est plus douteux pour la teneur en sodium ; en effet des aliments apportant d’autres sels de sodium que le chlorure de sodium se verront pénalisés, alors que seul le chlorure de sodium est censé poser problème (un débat existe malgré tout entre chercheurs sur la nocivité du sel). De plus, les effets négatifs du chlorure de sodium ne sont véritablement documentés que dans le cas d’un apport en potassium faible. Or la teneur en potassium n’a pas été retenue (pas plus que les vitamines et autres minéraux).De même, le score négatif attribué aux graisses saturées paraît en décalage avec des données récentes. C’est également douteux pour la teneur en protéines, dont les Français ne manquent absolument pas.

Non

C’est extrêmement contestable pour les fromages, qui, parce qu’ils figurent parmi les aliments conseillés contre les fractures (à tort) dans le programme national nutrition santé (3 produits laitiers par jour) bénéficient d’un traitement de faveur.

Pourquoi ce score n'assure pas une qualité nutritionnelle optimale

Ce score est imparfait dans la mesure où il ne tient pas compte de :

  • L’index glycémique de l’aliment (qui permet de faire la différence entre des glucides de bonne qualité et des glucides sans intérêt)
  • La teneur en vitamines et minéraux
  • La qualité et l’équilibre de ses corps gras
  • La qualité des protéines (plutôt que leur quantité)
  • La teneur en acides gras trans (industriels et de ruminants)
  • La présence d’additifs

À lire : Les pires aliments du supermarché

Par ailleurs, ce score, à vocation globale, ne permet pas de comparer correctement des produits d'un même rayon.

Au final, on a le sentiment que ce score nutritionnel a été choisi pour conforter et renforcer les messages du Programme national nutrition santé : manger plus de fruits et légumes, de féculents, de viande et de produits laitiers, moins de graisses, de sucre, de sel.

À lire aussi : « Mangez moins gras », une obsession malsaine

Or certains de ces messages sont contestables dans la mesure où ils reflètent des connaissances scientifiques éculées, comme l’accent mis sur les laitages et les féculents ou encore la défiance vis-à-vis des graisses. D’ailleurs, non seulement ces messages n’ont pas permis de faire baisser la prévalence de l’obésité comme s’y engageait le PNNS en 2001, mais ils se sont accompagnés au contraire d’une explosion de l’obésité et du diabète.

Le score par Nutriscore favorise fortement les aliments source d’amidon comme les corn flakes (pourtant à éviter en raison d’un index glycémique élevé). Il pénalise les aliments sources de graisses. La mise en place de cet étiquetage va contraindre les industriels, s’ils veulent apposer des pastilles vertes ou oranges sur leurs emballages, certes à réduire la part des sucres ajoutés et du sel et augmenter les fibres, mais aussi à réduire les graisses et les remplacer par des glucides, y compris raffinés comme les produits céréaliers ou encore les pommes de terre. Or c’est précisément le remplacement des graisses par les glucides (notamment raffinés) qui est accusé de favoriser le surpoids.

À lire : Le surpoids et l’obésité en France

Est-on en meilleure santé si on suit ce score nutritionnel ?

L’étiquetage par Nutri-score semble plutôt pertinent pour environ 2/3 des produits concernés. Il ne l’est pas pour les autres, avec dans certains cas, des produits étiquetés vert ou jaune qu’il vaudrait mieux en réalité éviter, et, à l’inverse, des produits plutôt intéressants qui vont se voir attribuer la même couleur repoussoir que des produits sans intérêt nutritionnel. Pour tenter de démontrer l’intérêt de leur système d’étiquetage nutritionnel, les maîtres d’œuvre ont mené leurs propres études scientifiques à partir de données recueillies sur les cohortes SU.VI.MAX et Nutrinet. Selon eux, les personnes dont l’alimentation reçoit les moins bonnes notes dans ce score nutritionnel auraient un risque de syndrome métabolique augmenté de 43% par rapport à celles dont l’alimentation est la mieux notée.

De la même manière, ils estiment que le risque de cancer est augmenté de 34% lorsqu’on suit un régime alimentaire mal noté par ce score nutritionnel. Ces réductions de risque, qui sont très importantes, sont peu crédibles. Par exemple, une étude similaire faite par Harvard sur un échantillon de population plus large et avec un autre système d’étiquetage nutritionnel – pourtant considéré comme plus pertinent que le système français, trouve que l’adhésion à un score de qualité nutritionnelle élevé n’a pas d’influence sur le risque de cancer, ce qui est cohérent avec ce que l’on sait de l’impact des choix alimentaires sur le risque global de cancer. Il a une influence modeste sur d’autres paramètres comme la mortalité toutes causes.

Il faut aussi noter que :

  • Les promoteurs du score nutritionnel français figurent parmi les auteurs des études menées précisément pour l’imposer, ce qui introduit un conflit d’intérêt et fait planer le doute sur l’impartialité des résultats.
  • Ces études ont été conduites sur un nombre relativement faible de personnes, avec un risque de distorsion statistique.
  • Il s’agit d’études d’observation qui ne permettent pas de conclure à une relation de cause à effet (d’autres facteurs du mode de vie ont pu entrer en jeu, le régime alimentaire pouvant n’être qu’un marqueur d’un comportement plus large).
  • Le fait que ce score nutritionnel puisse conduire à de meilleurs choix pour la santé, ne signifie pas que d’autres types d’information basés sur d’autres critères ne peuvent pas faire mieux (lire ci-dessous).

Ce score nutritionnel constitue-t-il le meilleur système d’étiquetage ?

Des chercheurs canadiens de l’université McGill ont comparé récemment 4 systèmes d’étiquetage nutritionnel dont le score nutritionnel adopté en France. Il s’agit d’une étude indépendante, financée par le Natural Sciences and Engineering Research Council of Canada (NSERC). Elle a vérifié la validité de chacun des systèmes, leur praticité et si elle conduisait à de meilleurs choix nutritionnels chez le consommateur.Le nutri-score retenu en France arrive avant-dernier en termes de temps nécessaire pour le décrypter et ne conduit qu’à une « amélioration médiocre de la qualité nutritionnelle » de l’alimentation. Le vainqueur est le système américain (privé) NuVal : c’est celui qu’on identifie le plus vite et surtout celui qui conduit aux meilleurs choix nutritionnels. NuVal attribue un score de 1 à 100 aux aliments, selon un algorithme propriétaire.En 2011, comme on l’a vu, des chercheurs de Harvard ont évalué l’impact de l’adhésion au score NuVal sur 62 284 femmes et 42 382 hommes, un échantillon largement supérieur à ceux examinés dans les études françaises sur le Nutriscore.

Résultat : un score nutritionnel NuVal élevé est associé à des réductions "plausibles" du risque de maladie chronique de l’ordre de 9 à 12%, de 21 à 23% pour le diabète, de 10 à 11% pour la mortalité toutes causes. Il n’y a pas d’impact sur le cancer.

Le Nutriscore comparé aux critères du Bon choix au supermarché 

L'ancienne ministre de la santé Marisol Touraine a salué l’adoption du Nutriscore dans la loi santé le 24 février 2015 par un tweet qui a fait se gausser les réseaux sociaux : « Le cassoulet parfois plus équilibré que le poisson cuisiné ? Contre-intuitif mais vrai. Avec la loi de santé, enfin des repères clairs ! », a-t-elle tweeté.La ministre s’appuie probablement sur un document de Que Choisir, qui a appliqué l’étiquetage nutritionnel français à plusieurs plats en conserves, dont le « cassoulet mitonné » de William Saurin. En utilisant ces critères, Que Choisir a décerné un feu vert à ce plat, dont voici la composition :- Sauce : eau, saindoux, concentré de tomate, farine de blé, sel, sucre, arômes.- Haricots blancs précuits (33%).- Charcuterie et viande (22%) : saucisses fumées et saucisson (viande de porc, eau, viande de dinde, couenne de porc, maigre de tête de porc, farine de blé, gras de porc, fibres de pois, sel, protéines de soja, gélifiant : E407a, stabilisants : E450, E452, conservateurs : E250, E316, protéines de lait, épaule de porc préparée en salaison (eau, sel, stabilisants : E451, E452, conservateur : E250).

Le Bon choix au supermarché, au contraire, attribue une mauvaise note au cassoulet William Saurin (non mitonné), dont la composition est encombrée d’additifs en tous genres.

Voici quelques exemples de divergences majeures entre nos critères et ceux du Nutriscore.

Produit  Notation Bon Choix Score Feux Tricolores
Pizza Carrefour 4 Saisons Bien B/Jaune
Kellogg’s corn flakes A éviter B/Jaune
Pain de mie nature Harry’s 100% mie A éviter B/Jaune
Huile d’olive vierge extra (toutes marques) Bien D/Rose
Filets de maquereaux à l’huile d’olive Belle-Iloise Bien D/Rose
Cordons bleus filets de poulet Auchan A éviter B/Jaune
Taillefine yaourt aux fruits A éviter A/Vert
Bénédicta mayonnaise comme à la maison Bien D/Rose
Baguette courante A éviter B/Jaune
Tagliatelles au poulet Weight Watchers A éviter A/Vert
Monoprix saucisses lentilles A éviter A/Vert
Petit beurre LU Bien E/Rouge
Country potatoes McCain A éviter A/Vert

Conclusion : le Nutri-score peut se révéler intéressant dans deux cas sur trois. Ce n'est pas mal, et on peut considérer que c'est un pas dans la bonne direction. Mais c'est insuffisant pour un outil censé informer de manière fiable le consommateur. Dans l'incertitude, le consommateur averti devra continuer de lire les étiquettes dans le détail, ou se fier à des sélections comme celles du Bon choix.

Pour aller plus loin, lire : Que vaut le Nutriscore ?

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