« Pas de raison de diaboliser les graisses »

Par Daniel Sincholle - Pharmacien Publié le 09/11/2017 Mis à jour le 21/11/2017
Article

Daniel Sincholle, pharmacologue et auteur du Guide de l'huile de coco, tire les enseignements de la grande étude Pure concernant les effets des graisses sur la santé. 

Depuis la sortie de mon livre Le guide de l’huile de coco en 2015, je surveille de près les avancées scientifiques et techniques concernant la relation entre bonne santé, quantité et qualité des graisses consommées. Rien de bien nouveau jusqu’à une étude parue dans The Lancet du 28 août 2017 (1). 

L’étude

Des chercheurs du réputé Institut de Recherche en Santé Publique de l’université McMaster (Hamilton, Canada) ont étudié et approfondi l’association pouvant exister entre la consommation alimentaire de glucides ou de graisses et la mortalité globale et par maladie cardiovasculaire. 
Les résultats sont issus de l’étude PURE (Prospective Urban Rural Epidemiology), une vaste étude épidémiologique de cohorte portant sur des personnes âgées de 35 à 70 ans, recrutées entre janvier 2003 et mars 2013, dans 18 pays, sur 5 continents, avec une médiane de suivi de 7.4 années (5.3-9.3) 
Les consommations alimentaires de 135 335 individus ont été enregistrées, au moyen de questionnaires de fréquence alimentaire validés. 
Les objectifs primaires concernent la mortalité totale et les évènements cardiovasculaires majeurs (maladie cardiovasculaire fatale, infarctus du myocarde non-fatal, AVC, et insuffisance cardiaque). 
Les objectifs secondaires concernent tous les infarctus du myocarde, les AVC, la mortalité par maladie cardiovasculaire et par maladie non-cardiovasculaire. 
Les participants à l’étude ont été répartis dans 5 quintiles (1 quintile = 20 % de l’effectif) suivant leur prise de nutriments (hydrates de carbone ou glucides, graisses et protéines) en se basant sur le pourcentage d’énergie apporté par chacun des nutriments.
Les auteurs ont pu vérifier l’association qui existe entre la consommation de glucides, de graisses totale et de chaque type de graisse, et les maladies cardiovasculaires et la mortalité globale (toutes causes confondues). Ils ont calculé les risques relatifs (hazard ratio) pour chaque association étudiée.
Pendant la durée de l’étude, 5796 décès et 4784 évènements cardiovasculaires majeurs ont été enregistrés. 

Ses résultats

Quand ils comparent le 1er et le 5e quintile, la consommation la plus importante en glucides est associée à un risque plus élevé de mortalité globale de 28 % mais pas de maladie cardiovasculaire ou de décès par maladie cardiovasculaire. En revanche, la consommation de graisses (consommation totale ou par catégorie de graisse) est associée à un moindre risque de mortalité globale : -23 %, - 14 % pour les graisses saturées, - 19 % pour les graisses mono-insaturées et - 20 % pour les graisses polyinsaturées. 
Une consommation plus importante de graisses saturées est associée à un risque plus faible d’AVC de 21 %. 
Les graisses totales, saturées et insaturées ne sont pas associées significativement au risque d’infarctus du myocarde ou de décès par maladie cardiovasculaire.
Dans l’interprétation des résultats de l’étude, les auteurs considèrent donc qu’une consommation élevée de glucides est associée à un plus grand risque de mortalité toutes causes confondues, alors que la consommation de graisses totales et de chaque catégorie de graisse est associée à un plus faible risque de mortalité totale. 
Les graisses totales et chaque type de graisse ne sont pas associés aux maladies cardiovasculaires, à l’infarctus du myocarde, ou à la mortalité par maladie cardiovasculaire, même, la consommation de graisses saturées est inversement associée à la production d’un AVC.
Logiquement, les auteurs indiquent que les recommandations nutritionnelles actuellement en vigueur partout dans le monde, devraient être reconsidérées à la lumière de ces dernières découvertes. 

Sa valeur ajoutée

Les directives américaines actuelles recommandent un régime alimentaire pauvre en graisses (moins de 30% de l’énergie apportée) et limitent les graisses saturées à moins de 10% de l’énergie consommée en les remplaçant par des corps gras contenant des acides gras insaturés. Cette recommandation s’appuie sur des données provenant de plusieurs pays européens et nord-américains où les excès alimentaires sont courants. Il semble risqué d’extrapoler ces recommandations à d’autres pays où la sous-nutrition est commune. 
De plus, les populations nord-américaines et européennes ont des régimes alimentaires plus pauvres en glucides que bien d’autres populations. En cohérence avec la plupart des données mais en contradiction avec les recommandations nutritionnelles, les auteurs suggèrent que les graisses, y compris celles contenant des acides gras saturés, ne sont pas dangereuses, alors qu’à l’inverse, les régimes riches en glucides, surtout raffinés, ont un effet accélérateur sur le taux de mortalité toutes causes confondues. Ils n’ont observé aucun effet au détriment des évènements cardiovasculaires, lié à une consommation importante de graisses. Ils rappellent que les résultats obtenus, à partir de données de 18 pays, ajoutent de la consistance au fait de plus en plus évident qu’augmenter les graisses dans le régime alimentaire n’est pas associé à un taux de mortalité ou de maladies cardiovasculaires plus important.

Ses implications évidentes pour la santé

Revenir sur les restrictions sur la consommation de graisses et limiter la prise de glucides (quand elle est importante) pourrait améliorer la santé des populations. Il est clair que les résultats de cette vaste étude confirment la dédiabolisation des graisses saturées déjà exprimée dans mon livre. Il est intéressant dans tous les cas de diversifier les huiles alimentaires que nous consommons et finalement on peut sans crainte utiliser l’huile de coco dans la cuisine, notamment pour son apport en acides gras saturés à chaînes moyennes (TCM). 

 

Source

(1) Dr Mahshid Dehghan et al. : Associations of fats and carbohydrate intake with cardiovascular disease and mortality in 18 countries from five continents (PURE): a prospective cohort study. The Lancet, Volume 390, No. 10107, p2050–2062,2017.
 

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