Comment aider votre enfant à manger moins de sucre

Par Priscille Tremblais - Journaliste scientifique Publié le 14/05/2018 Mis à jour le 22/05/2018
Conseils

Les enfants des pays développés mangent trop de sucre, ce qui a des effets néfastes sur leur santé. Heureusement, il est possible de se déshabituer du sucre. Voici les conseils de la diététicienne-nutritionniste Magali Walkowicz, auteure de « P’tits Déj’ et goûters pauvres en sucres ».

Le goût sucré est inné et commun à tous les enfants. Cette appétence s’installe durablement lorsque ceux-ci avalent de façon répétée : gâteaux, bonbons, jus de fruits… Elle est aussi savamment entretenue par les industriels qui ajoutent du sucre dans de nombreux produits, même ceux trouvés au rayon "épicerie salée". La plupart des sucres consommés aujourd’hui sont en effet dissimulés dans des aliments transformés et ultra-transformés qui ne sont généralement pas considérés comme sucrés. Par exemple, une cuillère à soupe de ketchup contient environ 4 g (à peu près une cuillère à café) de sucres libres ; les mayonnaises « light » et les sauces pour pâtes sont aussi de bons « hotspots » pour le sucre comme le dénonce Damon Gameau dans Sugarland. Une canette de soda en contient quant à elle jusqu’à 40 g (environ 10 cuillères à café). Aujourd’hui, on estime qu’un adolescent vivant dans un pays développé avale l’équivalent de 40 cuillères à café chaque jour.

« Même si on sait que les produits industriels contiennent des sucres cachés, quand on déchiffre les étiquettes avec attention, la quantité de sucres qu’ils apportent est effrayante » explique la diététicienne-nutritionniste Magali Walkowicz. Le seul moyen pour contrôler l'apport en sucre des enfants c'est de bannir les produits industriels le plus possible et de cuisiner pour eux.
Pour les repas, c'est assez facile, mais comment éviter aux enfants de surconsommer glucides et sucres, qui abondent dans leurs p’tits déj’ et goûters ? Au petit déjeuner, avalé souvent sur le pouce, enfants et adultes se retrouvent en effet souvent à avaler rapidement un verre de jus de fruits (ou un café sucré) accompagné de céréales du petit déjeuner dans un fond de lait. Or les céréales pour enfants contribuent à près de la moitié du quota maximum de sucre conseillé par l’Organisation mondiale de la santé. Pour 40 g de céréales industrielles avalés le matin, on décompte en effet entre 8 et 18 g de sucre.
La solution ? « Eduquer le palais des enfants le plus tôt possible et leur proposer les mêmes aliments-plaisir, tout aussi goûteux, mais dans des versions pauvres en glucides ! » explique Magali Walkowicz qui fournit 60 recettes testées et approuvées par ses fils dans « P’tits Déj’ et goûters pauvres en sucres ».

Pourquoi le sucre est nocif

Pour son documentaire et son livre Sugarland, Damon Gameau a consommé pendant 60 jours l’équivalent de 40 cuillères à café de sucre par jour, trouvées seulement dans de la nourriture considérée comme saine et équilibrée. Résultats : en trois semaines, il a développé une stéatose hépatique (un foie gras) ; après deux mois, il avait un prédiabète avec risque accru d’infarctus et 11 cm de tour de taille supplémentaires. Tout cela en ne mangeant pas plus de calories, et moins de graisses qu’avant !

Pour en savoir plus, lire : Les effets impressionnants du sucre caché sur l’organisme

Par ailleurs une étude française de 2018 suggère que les adolescents qui consomment beaucoup de sucre pourraient présenter un plus grand risque de dépression à l'âge adulte (1). Les chercheurs de l'équipe Addicteam de l'INCIA (CNRS) ont ainsi que l’accès illimité à une solution sucrée (5%) pendant l’adolescence chez le rat produit à l’âge adulte une baisse de la motivation, une augmentation des comportements de type anxieux et de l’immobilité dans le test de la nage forcée ainsi qu’une diminution de la production de neurones dans l’hippocampe. Ces altérations sont classiquement interprétées comme une signature d’un état de type « dépressif ». Si l’étude est menée chez le rat, les mécanismes impliqués sont transposables à l’homme d’après les chercheurs. 
Damon Gameau a d'ailleurs bien ressenti ces effets du sucre lors de son expérience : « Ce que j’ai remarqué en premier ce sont les modifications mentales. Les 10 premiers jours ont été très, très durs, mentalement. Je me sentais tellement plus léthargique. »

On sait aussi que le sucre favorise caries, hyperactivité, surpoids, obésité, myopie et acné. 

Si le sucre engraisse le cerveau et le foie parce qu’il est composé à moitié de fructose (et de glucose pour l’autre moitié). Il apporte des calories mais aucun nutriment intéressant. Et sa part de fructose est métabolisée par le foie comme l’alcool. Consommé de manière régulière et à haute dose, « le fructose peut vous détruire le foie et engendrer les mêmes maladies (toutes les maladies !) que l’alcool » explique le Dr Robert Lustig dans Sucre l’amère vérité. Cette haute dose de sucre chronique accroît aussi considérablement le risque de diabète de type 2.

Lire aussi : Le sucre, l’alcool des enfants

La bonne nouvelle c’est qu’il est tout à fait possible de briser le cycle d’attirance pour le sucre. Comment ? En rééduquant le goût de nos enfants (et le nôtre au passage). 

Les 4 principes pour se déshabituer du sucre

1. Ne proposez pas tous les jours des petits déjeuners et des goûters contenant un sucre ajouté, quel que soit le sucre ajouté sélectionné.

2. Diminuez progressivement les quantités de sucre ajouté à vos préparations, sans le dire à votre enfant. Diminuer le sucre ajouté, c’est comme diminuer le sel ajouté, il faut y aller pas à pas, pour que le palais s’y habitue.

3. Toutes les formes de sucre présentent des inconvénients différents. Le mieux est donc de les varier plutôt que de rester sur une seule forme de sucre ajouté. N’oubliez pas que c’est la dose qui fait le poison.

4. Remplacez le sucre ajouté par des épices (cannelle, vanille, poivre rouge de Kampot, poivre de Sichuan, fève tonka, cardamome, gingembre, anis étoilé, hibiscus…), des fruits, en sélectionnant une farine au goût prononcé (comme la farine de châtaigne par exemple).

7 astuces pour aider vos enfants à apprécier les aliments sains

  • Ne renoncez pas. Lorsque vous faites goûter un nouvel aliment à votre enfant, surtout s’il a une saveur très prononcée, à laquelle il n’est pas habitué, il va très certainement dire qu’il ne l’aime pas. L’erreur est de se dire qu’il ne l’aimera jamais. Sachez qu’il est nécessaire d’avoir eu un aliment en bouche 10 à 15 fois avant de pouvoir dire si on l’aime ou pas. Un enfant peut donc apprendre à manger de tout si on l’aide à s’y entraîner. Il ne doit pas manger un aliment parce qu’il l’aime, mais il l’aime parce qu’il le mange. 
  • Allez-y progressivement. Lorsqu’un enfant n’apprécie pas un aliment, familiarisez-le petit à petit, en le mélangeant tout d’abord à d’autres aliments qu’il aime. Tenez compte tout de même qu’il puisse avoir une réelle aversion pour un aliment précis, au point que celui-ci lui donne envie de vomir. Dans ce cas précis, n’insistez pas.
  • Variez les saveurs, les recettes. Vous l’habituerez ainsi à ne pas rester toujours sur des goûts similaires.
  • Cuisinez et mangez en famille : cela permet aux enfants de sentir, manipuler, nommer les aliments et la dégustation crée une émulation parmi les enfants (ils comparent les goûts, s’encouragent à goûter, ils ressentent une certaine fierté à apprendre de nouvelles choses). À table, il est important de créer un contexte de consommation chaleureux, un climat affectif agréable, afin que l’enfant associe un goût avec un souvenir plaisant.
  • Allez au marché ensemble régulièrement et choisissez les aliments avec eux. Si vous devez aller au supermarché, ne parcourez que les rayons périphériques en évitant les rayons centraux (vous n’allez que dans les rayons boucherie, poissonnerie, fruits et légumes, produits laitiers, huiles et condiments, farines et céréales non transformées) et n’achetez jamais un produit dont la composition comporte plus de 5 ingrédients. Évitez d’acheter de la nourriture industrielle et conditionnée (il y a souvent beaucoup de sucres cachés dans la composition).
  • Apprenez-leur à décrypter les étiquettes des emballages : discutez des noms qui y figurent, autres que ceux qui évoquent des aliments.
  •  Expliquez-leur les stratégies du marketing et de la pub, car « faute de savoir, on se fait avoir ». Expliquez-leur que les industriels mettent beaucoup de sucres dans les produits pour créer de la dépendance, qu’ils accompagnent leurs produits de cadeaux, de couleurs vives ou de personnages de dessins animés dans le but de les vendre alors qu’ils ne sont ni sains ni nécessaires pour les enfants, et que certains produits sont mis à leur hauteur exprès pour les appâter lors de l’attente en caisse. 

Découvrez plus de conseils dans « P’tits Déj’ et goûters pauvres en sucres »

Lire aussi : 8 conseils pour manger moins de sucre

 

Références

(1) Gueye AB, Vendruscolo LF, de Ávila C, Le Moine C, Darnaudéry M, Cador M. : Unlimited sucrose consumption during adolescence generates a depressive-like phenotype in adulthood. Neuropsychopharmacology. 2018 Feb 27. doi: 10.1038/s41386-018-0025-9.
Walkowicz M. : P’tits Déj’ et goûters pauvres en sucres, Thierry Souccar Editions, 2018.

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