Damon Gameau : « Après 20 jours de sucres cachés, j'ai frôlé la cirrhose. »

Par Marie-Charlotte Rivet Bonjean - Diététicienne-nutritionniste Publié le 19/03/2018 Mis à jour le 23/02/2022
Point de vue

Dans son livre Sugarland, l’Australien Damon Gameau raconte comment il a testé sur lui les effets d’une alimentation riche en sucre caché. Une expérience qui a miné son corps et son mental.

Pendant 60 jours, Damon Gameau a consommé l’équivalent de 40 cuillères à café de sucre par jour, trouvées dans nos aliments et boissons habituels, c’est-à-dire seulement dans de la nourriture considérée comme saine et équilibrée (yaourts à faible teneur en matière grasse, barres de muesli, céréales « saines », jus de fruits, boissons sportives et smoothies…). Résultats : en trois semaines, il a développé une stéatose hépatique (un foie gras) ; après deux mois, il avait un prédiabète avec risque accru d’infarctus et 11 cm de tour de taille supplémentaires. Il en a fait un film, et un livre édifiant et pédagogique sur les dangers du sucre et des aliments industriels, dont la traduction paraît en France.

Qu'est-ce qui a inspiré Sugarland ?

Damon Gameau : Je savais qu'il y avait beaucoup d’articles et de discussions sur le sucre, mais les messages étaient très contradictoires. J'étais aussi perdu que n'importe qui... Et je me suis dit, « faisons juste une expérience pour voir ce que le sucre fait au corps. Si on obtient des résultats, ce sera intéressant de les partager ». C'est pourquoi j'ai réalisé l'expérience. Je ne savais pas à quoi m'attendre. Puis, mon corps a commencé à me lâcher de toute part et c'est alors que j'ai réalisé qu'il y avait quelque chose à raconter.

Vous aviez prévu de rester actif pendant l'expérience – est-ce que votre activité physique a changé au cours des deux mois ?

Je voulais juste essayer de garder mon activité physique aussi normale que possible. Elle correspondait à la moyenne des 19-30 ans en Australie qui mangent beaucoup de sucre tous les jours. J'ai suivi une alimentation pauvre en graisses et le conseil selon lequel « vous mangez ces aliments pauvres en gras et tout ira bien, tant que vous faites de l'exercice », et c'est ce que j'ai fait. Autant que j'ai pu, je me suis tenu à ça ... et je l'ai fait sans manger de malbouffe.

Quelles étaient vos préoccupations ? Aviez-vous peur ?

Ma naïveté est démontrée par le fait que j’avais prévu 60 jours d’expérience. En fait, nous aurions pu le faire en 30, vraiment, et ça aurait été tout aussi puissant. Je ne pensais pas qu'on aurait un quelconque résultat parce que je ne mangeais pas de malbouffe. Je n’ai pas eu vraiment peur avant que mon foie ne commence à grossir, et tout ce qui s'est passé alors, c'est que nous avons fait des tests sanguins plus réguliers afin que je ne fasse rien de trop stupide au point de ne plus pouvoir inverser la donne.
À la fin de l’expérience, j'étais très proche de la cirrhose du foie, de ce moment où la graisse du foie durcit et qui rend difficile le retour à un état normal. Mais heureusement, le médecin m’a dit : « Vous avez démontré ce que vous vouliez. Maintenant, ça suffit, vous devez arrêter de manger ces aliments ». J'y étais probablement plus sensible parce que je n'avais jamais consommé autant de sucre ajouté auparavant, et que j'ai en quelque sorte inondé mon corps avec.

Avez-vous envisagé d’interrompre l’expérience ?

J'en ai discuté avec ma femme une fois. Je me suis dit : « Nous sommes allés trop loin ». Nous n'avons pas filmé ce moment... mais il y a eu un jour où je me suis assis avec les médecins et ils m'ont dit : « Vous n'avez pas encore atteint le point où les dégâts vont devenir permanents », alors je suis resté assez confiant sur ma capacité à inverser la tendance et à revenir à la santé même si cela devait prendre un certain temps. Et cela a été un grand choc pour nous tous de constater à quelle vitesse mon corps a inversé le processus quand j’ai recommencé à manger de vrais aliments...

À quel moment de l'expérience avez-vous commencé à remarquer des changements majeurs ? Avez-vous constaté en premier les changements mentaux ou les physiques ?

Ce que j’ai remarqué en premier ce sont les modifications mentales, certainement parce que, encore une fois, je n'avais pas consommé autant de sucre depuis longtemps. Les 10 premiers jours ont été très, très durs, mentalement. Je me sentais tellement plus léthargique. Ma forme suivait des montagnes russes toute la journée, tout simplement parce que je ne mangeais plus de vrais aliments entiers. J’ai constaté aussi des différences dans mes habitudes de sommeil. Je crois que cela a été probablement la plus grande surprise, mais je pense que je m'y suis presque adapté. On s’habitue à ce mode de vie en fait... Je pense que beaucoup de gens vivent leur vie comme ça sans même s'en rendre compte.
Concernant l’impact physique, j’ai senti que je prenais du poids... J'étais conscient d'avoir un ventre rond en permanence. Je me sentais léthargique, c'est la meilleure façon de le décrire... Je n’avais pas le dynamisme et l'énergie que j'avais quand je mangeais de la vraie nourriture.

Lire aussi : Dr Robert Lustig : "Le sucre est une substance inutile et toxique"

Comment s’est passé le 60e et dernier jour de l'expérience pour vous ?

Je me suis senti soulagé, mais à la différence d’autres personnes, j'avais un point de référence, parce que j'avais quelques années de consommation d'aliments sains, sans sucre raffiné, derrière moi. C’est comme ça que je vis normalement... mais la plupart des gens n'ont pas cette référence. Ils mangent probablement du sucre tous les jours... Ma période de récupération a été beaucoup plus courte qu'elle le serait pour d'autres, parce que j'étais tellement content de ne plus manger comme ça. La meilleure façon de décrire mes émotions à la fin de l’expérience, c’est quand même le soulagement.

Quelle a été la première chose que vous avez mangée après ces 60 jours ?

Je pense que c'était des légumes. Je dois être honnête, ils ont juste eu un goût horrible. Parce que j'avais tellement l'habitude des aliments sucrés que tout me semblait fade et ennuyeux... C'est vraiment difficile à décrire, mais ce n'est probablement qu’une semaine plus tard que j'ai commencé à distinguer à nouveau les nuances des saveurs des légumes et des fruits. Le sucre sature vraiment les papilles... Cette première semaine a été dure, car tout avait un goût de carton, mais je suis finalement revenu à mon état précédent.

Si vos lecteurs ne doivent retenir qu'une chose de votre expérience, que voudriez-vous que ce soit ?

Quand vous voyez un film comme « Une vérité qui dérange », sur le changement climatique, vous pensez :« Eh bien, je peux éteindre les lumières, je peux acheter une Prius, mais que puis-je faire d'autre ? » Ce qu'il y a de beau avec l’alimentation, c'est que c’est vous qui décidez ce que vous mettez dans votre bouche ... Vous n'avez pas à attendre que les directives des autorités sanitaires ou que les réglementations de l'industrie agro-alimentaire changent. Vous pouvez prendre le contrôle de votre assiette et faire de meilleurs choix alimentaires. Lisez les étiquettes et faites attention aux grammes de sucre – en gardant en tête qu’une cuillère à café équivaut à quatre grammes.

Lire aussi : 8 conseils pour manger moins de sucre

Pour aller plus loin : Sugarland, le livre et Sucre, l'amère vérité

Source : https://www.refinery29.com/. Tous droits réservés.
 

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