Les médias se sont fait récemment l’écho d’une « découverte » scientifique : on aurait enfin trouvé la molécule du vin rouge qui donne mal à la tête. Si cette information a eu le mérite d’apporter un peu de légèreté dans un contexte d’actualités dramatiques, est-elle vraie ? Décryptage.
Chaque année, Dry January vous propose de passer un mois sans alcool. Si cette opération a pour mérite de s'interroger sur sa consommation individuelle et de populariser l'abstinence, est-elle efficace ?
Qu'est-ce que Dry January ?
Le Dry January (ou "sober january", janvier sobre) est une campagne de sensibilisation qui vise à s'abstenir de consommer de l'alcool après le réveillon du Nouvel An et pendant tout le mois de janvier. Cette opération est aussi connue sous le nom de "mois sans alcool" ou "défi de janvier".
Les origines du Dry January
Les origines de Dry January pourraient remonter à 1942, lorsque la Finlande a instauré un "mois de janvier sobre" (Raitis tammikuu) pour soutenir l'effort de guerre contre l'Union soviétique (1).
Bien plus tard, à partir de 2013, la marque « Dry January® » a été développée et portée par l’association britannique Alcohol Change UK. Sur son site, l'association raconte l'histoire de cette campagne, qui est l'idée d'une femme, Emily Robinson. En 2011, elle s'inscrit à son premier semi-marathon qui doit avoir lieu en février. Pour faciliter son entraînement, elle décide d'arrêter l'alcool en janvier. Elle perd du poids, dort mieux et a l'impression d'avoir plus d'énergie pour courir. En janvier 2012, elle rejoint Alcohol Change UK et décide à nouveau d'arrêter de boire en janvier. Cela donne lieu à de nombreuses conversations sur les avantages d'une pause dans la consommation d'alcool, en particulier après Noël. La première campagne de Dry January aura lieu l'année suivante.
Dry January dans le monde
Il existe des campagnes du "mois sans alcool" dans différents pays d'Europe et aux États-Unis, des millions de personnes y participent chaque année. D'après Euronews, au Royaume-Uni, où la campagne a débuté en 2013, plus de 8,5 millions de personnes ont déclaré avoir l'intention de ne pas boire d'alcool pendant un mois cette année, selon un sondage réalisé par Alcohol Change UK. En 2013, seules 4 000 personnes s'étaient engagées à relever le défi (2).
En parallèle, la consommation d'alcool dans le monde a augmenté au cours des dernières décennies. Une étude de modélisation mondiale publiée en 2019 dans The Lancet suggère que la consommation d'alcool a augmenté de 70 % entre 1990 et 2017, sous l'effet des tendances observées en Asie du Sud-Est (3).
Pourquoi faire Dry January ?
Dry January peut être considérée comme une campagne de prévention de l'alcoolisme. La consommation excessive d'alcool fait partie des principales causes de morbidité et de mortalité dans le monde. Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'usage excessif de l'alcool est la cause de plus de 200 maladies et traumatismes.
Lire : Démence sénile : quel rôle joue la consommation d'alcool ?
"L’usage nocif de l’alcool entraîne 3 millions de décès chaque année dans le monde, ce qui représente 5,3 % de l’ensemble des décès, précise l'OMS. Chez les personnes âgées de 20 à 39 ans, environ 13,5 % du nombre total de décès sont attribuables à l’alcool." L'alcool est en effet un facteur de risque pour la cirrhose, le cancer et les maladies cardiovasculaires.
Pour l'Inserm, 41 000 décès sont imputables à l'alcool chaque année en France et 25 % des adultes dépasseraient les repères de consommation.
Repères de consommation d'alcool (actualisés en 2017) :
- ne pas consommer plus de 10 verres d’alcool par semaine
- ne pas consommer plus de 2 verres par jour
- ne pas boire d’alcool au moins 2 jours par semaine
Source : Inserm
Dry January : quels avantages pour la santé cardiovasculaire ?
En 2018, une étude de l'UCL (Londres) a comparé deux groupes de personnes en bonne santé : 94 qui se sont abstenues de boire de l'alcool pendant un mois et 47 témoins (4). Au départ, la consommation d'alcool était de 258,2 g/semaine pour le groupe qui allait s'abstenir 233,8 g pour les témoins (1 verre d'alcool contient environ 10 g d'alcool). Par rapport à la situation de départ, les chercheurs ont observé des réductions significatives dans le groupe "abstinence" pour :
- le score HOMA, qui indique la résistance à l'insuline (-25,9 %),
- la tension artérielle systolique (-6,6 %) et diastolique (-6,3 %),
- le poids (-1,5 %) ;
- les facteurs de croissance VEGF et EGF.
Conclusion des auteurs : "Ces résultats démontrent que l'abstinence d'alcool chez les buveurs modérés à excessifs améliore la résistance à l'insuline, le poids, la tension artérielle et les facteurs de croissance liés au cancer."
Variations dans le groupe qui s'est abstenu, entre le début (baseline) et après un mois, pour les paramètres suivants : HOMA, poids, pression artérielle systolique, diastolique, facteurs VEGF et EGF. D'après Mehta et al 2018, BMJ.
Dry January et perte de poids
Dans l'étude précédente, les personnes qui se sont abstenues de boire de l'alcool pendant un mois ont perdu entre 1 et 2 kg (voir figure ci-dessus, en haut à droite).
Les effets de Dry January sur le bien-être
Une étude soutenue par Alcohol Change UK, l'association qui fait la promotion du Dry January, montre que les participants au défi de janvier font état d'un meilleur bien-être mental que ceux qui ne se sont pas abstenus (5). Cette étude portait sur 1192 participants au Dry January et 1549 adultes qui ne se sont pas abstenus ; tous ont répondu à des questionnaires en ligne en janvier, février et août 2019.
L'alcool ayant tendance à perturber le sommeil, on peut aussi attendre de Dry January qu'il améliore vos nuits. En effet, comme l'explique Shawn Stevenson dans J'apprends à mieux dormir, si vous buvez de l'alcool tard le soir "vous vous endormez plus vite. Mais la mauvaise nouvelle, c’est que le sommeil paradoxal est considérablement perturbé par l’alcool." Or le sommeil paradoxal est très important pour les êtres humains, car c’est là que les souvenirs et les expériences à court terme sont transformés en mémoire durable.
Les bienfaits du "défi de janvier" sur le portefeuille
Si les résultats sur la santé ne sont pas tous élucidés, vous pouvez au moins compter économiser en frais d'alcool si vous pratiquez le Dry January ! L'application Try Dry (voir plus loin) vous permet de visualiser au jour le jour les calories et les euros économisés pendant le défi de janvier.
Et après Dry January ?
L'inconvénient de la campagne de Dry January est que les participants pourraient se sentir plus libres de boire de manière excessive à d'autres moments de l'année, avec un effet encore plus néfaste. D'ailleurs une étude britannique parue en 2021 suggère que la participation croissante des habitants au Dry January n'a pas permis de réduire la consommation d'alcool de l'Angleterre (6). Toutefois, une recherche de l'université du Sussex montre que les personnes qui ont fait Dry January ont réduit leur consommation d'alcool six mois plus tard (7).
Comment réussir son dry january ?
Dry January : les nouvelles boissons à tester
Bien sûr il est conseillé de boire de l'eau, mais vous pouvez aussi opter pour une eau gazeuse, ou une eau aromatisée avec du citron, de la menthe... Avez-vous pensé aussi aux smoothies, aux boissons naturellement pétillantes comme le kombucha, le kéfir ?
Découvrez des idées de recettes dans notre article : Les meilleures recettes de boissons fraîches maison
Une appli pour Dry January ?
Il existe des applications pour vous aider à gérer votre consommation d'alcool, dont :
- Try Dry, l’application officielle du Dry January ;
- Oz Ensemble, une application soutenue par l'agence régionales de santé d'Île de France et conçue par une addictologue ;
- Mydéfi, une application soutenue par des addictologues français.
Dry january : les actions à mener pour réussir son mois sans alcool
Voici d'autres conseils pour vous aider à tenir votre bonne résolution de Dry January :
- faire le défi avec un(e) ami(e), afin de se soutenir mutuellement ;
- proposez à vos amis d'autres idées de sorties (cinéma, marche...) plutôt qu'un repas bien arrosé ;
- vider votre logement de toute trace d'alcool ;
- si besoin, recherchez du soutien auprès d'un thérapeute.
- eClinicalMedicine. Dry January: The best option for public health? The Lancet Discovery Science. 2022.
- Khatsenkova. New year, new me: Does Dry January actually work? Euronews. 2024.
- Manthey et al. Global alcohol exposure between 1990 and 2017 and forecasts until 2030: a modelling study. The Lancet. 2019.
- Mehta et al. Short-term abstinence from alcohol and changes in cardiovascular risk factors, liver function tests and cancer-related growth factors: a prospective observational study. BMJ Open. 2018.
- de Visser et Piper. Short- and Longer-Term Benefits of Temporary Alcohol Abstinence During 'Dry January' Are Not Also Observed Among Adult Drinkers in the General Population: Prospective Cohort Study. Alcohol Alcohol. 2020.
- Case et al. Has the increased participation in the national campaign 'Dry January' been associated with cutting down alcohol consumption in England? Drug Alcohol Depend. 2021.
- de Visser et al. Voluntary temporary abstinence from alcohol during "Dry January" and subsequent alcohol use. Health Psychol. 2016.