Les Occidentaux boivent de moins en moins de lait. Voici pourquoi.

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 17/05/2017 Mis à jour le 18/05/2017
Enquête
Autrefois considéré comme indispensable, le lait n'a plus la cote. La science est passée par là, mais aussi les nouveaux modes de consommation et le souci du bien-être animal.

Les Américains ont fortement réduit leur consommation de lait. Selon des statistiques publiées le 10 mai 2017 par le ministère de l’agriculture de ce pays, un Américain en buvait 115 litres par an dans les années 1970, il n’en boit plus que 68. De l’autre côté de la frontière, au Canada, il s’en buvait 89 litres par personne en 1997, mais seulement 69 en 2016. Même tendance en France : 51 litres en moyenne en 2015, soit 10 litres de moins qu’en 2003.  Hors quelques exceptions, ce mouvement s’observe dans la plupart des pays occidentaux. En Espagne, la consommation est passée de 99 litres par personne en 2000 à 73 en 2015.

La consommation de lait s’est développée au début du vingtième siècle après la maîtrise de la réfrigération et avec l’essor du transport ferroviaire. Elle a bénéficié de la publicité faite aux travaux d’un très grand chercheur, Elmer McCollum (université Johns Hopkins), dans les années 1910-1920 : les cobayes nourris au lait se développaient plus rapidement et atteignant une taille plus importante que ceux qui n’en consommaient pas. Sans lait, assurait McCollum, aucun régime alimentaire n’est complet. Ajoutant que « la consommation de lait et de ses produits représente le facteur le plus important pour la protection de l’humanité. »

L’industrie laitière s’est emparée de ce discours basé sur la santé. Dès 1940 aux Etats-Unis, des campagnes publicitaires qui portent le sceau de la Food and Drug Administration assurent que le lait est bon pour les dents, la vitalité, l’endurance, les os. Par ses actions de lobbying, l’industrie a même réussi à imposer dans tous les pays que les produits laitiers occupent une place à part dans les recommandations nutritionnelles officielles, plutôt que d’être regroupés avec les produits animaux comme la viande.

A partir des années 1980, et surtout 1990, des études ont commencé à remettre en cause ces bénéfices supposés, en particulier sur l’ostéoporose, le cheval de bataille des industriels. Elles sont résumées ainsi par Marion Nestle, professeur de nutrition et santé publique (New York University) citée par npr : «Le lait est l’aliment parfait – pour les veaux. Mais pour l’homme, ce pourrait ne pas être le cas. Et il pourrait ne pas être indispensable, et on dispose de très nombreuses preuves qu’il n’est pas indispensable

Ces preuves ont été relayées en langue française par plusieurs articles et livres dont en 2004 Santé, mensonges et propagande (Thierry Souccar et Isabelle Robard), puis en 2007 Lait, mensonges et propagande.

L’essor récent des régimes végétarien, végan, paléo a aussi détourné de nombreux consommateurs du lait et des produits laitiers, d’autant que l’offre de produits de remplacement a explosé, avec les « laits » végétaux. S’y ajoute également la prise en compte de plus en plus répandue du bien-être animal.

Aujourd’hui, le consensus chez les chercheurs indépendants (qui est aussi depuis l’origine la position de LaNutrition) est qu’il n’est pas indispensable de boire du lait ou manger des produits laitiers, mais qu’on peut en consommer si on les apprécie et on les tolère, de préférence avec modération, en privilégiant les modes de production qui respectent l’animal et l’environnement.

Pour autant, le mouvement de reflux dans les pays occidentaux sera difficile à endiguer. «L’industrie laitière, dit Marion Nestle, va devoir s’employer en termes de relations publiques pour convaincre le public qu’elle produit un aliment sain, bon pour les animaux, bon pour les gens et bon pour la planète

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